La noble et le cordier : le trésor des ruines de Sakat

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Mad Hatter
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Re: La noble et le cordier : le trésor des ruines de Sakat

Message par Mad Hatter »

Donc nous avons une baronne, une duchesse qui devait se rendre en tant que prisonnière à la baronnie.
Ouh ça devient compliquer cette histoire de traque au trésor.

Sinon j'aime bien ce côté professionnel des brigands
Romrocky a écrit : 02 févr. 2024, 08:03
- Ça fait longtemps que vous faites ça... ? Demanda-t-elle enfin timidement. Capturer des filles aisées comme moi, les ligoter, et les échanger plus tard contre des rançons... ?
Ezval sourit légèrement.
- Oui, ça fait bien un p'tit moment en effet. Comment as-tu deviné ?
- Tahira a demandé hier soir si tu comptais m'échanger à mon père contre une rançon. De même pour Balafre au moment où nous sommes arrivés...
Aucun des membres du groupe ne pipa mot.
- Et... vous demandez combien en général... ? Continua-t-elle.
- Assez pour qu'on puisse être tranquille pour un moment. Assez peu pour que ce ne soit pas considéré comme grand chose par ces bonnes gens.
Riva tourna la tête vers Ezval, le regarda d'un air interrogateur.
- Ce genre de somme incite plus à payer la rançon qu'à aller chercher les gardes pour nous traquer... Et oui ! C'est qu'on n'a pas envie de se faire exécuter en place publique, nous autres !
Cela semblait finalement logique également pour Riva.
- En parlant de ça... continua Ezval. Il n'y a pas de risques que le baron Carys nous colle des soldats aux miches...?
- T'aurais peut-être pu y penser avant ! Le coupa Balafre. Une aussi longue absence sans nouvelles, ça doit forcément se faire remarquer.
- Non, ne vous inquiétez pas, interrompit Riva. Mon père ne me voit que lorsqu'il a besoin de moi. Et ma mère s'occupe trop de mon petit frère de deux ans. C'est à peine si on se voit au quotidien...
- La duchesse...
Ce côté mesuré, une sorte de coutume, un train train quotidien. Pas de complot ou revendication politique :cartes: des républicains qui voudraient tourner en ridicule la féodalité ou plus.

Ça me rappelle des répliques théatrales dans "Bienvenu à Bord"
- Ceci est un détournement !
Angèle - Quoi un détournement ?
Jules - Chut Angèle…
Angèle - Vous avez de la chance que je ne sois pas mineure !
- Bah pourquoi ?
Angèle - Parce qu'un détournement de mineure ça pourrait vous coûter cher !
:boufon:
De l'Ordre nait le Chaos.
Ou est-ce l'inverse ?
Jervis Tetch dans L'asile d'Arkham


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Romrocky
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Re: La noble et le cordier : le trésor des ruines de Sakat

Message par Romrocky »

Haha, oui, j'aime bien les histoires un peu complexes :D
Ça me permet d'approfondir un peu les personnages tout au long du récit.

Content que ça te plaise ! Et encore, je pense que tu seras étonné de la suite, Mad ! :D

Ta deuxième citation me fait penser aux 2 minutes du peuple :lol:
"- Monsieur l'agent, vous n'avez aucune raison de m'arrêter.
- Vous avez l'air stupéfait ?
- En effet, j'le suis.
- C'est nous qui vous stupéfions ?
- Qui d'autre ?
- Alors nous sommes stupéfiants ?
- C'est le moins qu'on puisse dire
- Et nous sommes dans votre demeure.
- J'ai remarqué.
- Et quiconque a des stupéfiants dans sa demeure a de bonnes raisons de se faire arrêter.
- Ah ! Vous m'avez bien eu là..."

Romrocky
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Re: La noble et le cordier : le trésor des ruines de Sakat

Message par Romrocky »

Chapitre 5 : Les ligoteurs

Le voyage se poursuivait sans encombre dans l'après-midi. Se dirigeant vers les montagnes, comme un groupe à cheval escortant une prisonnière.
Tahira conduisait le chariot. Le cordier et la duchesse se trouvaient du côté gauche, Balafre et Silence du côté droit.

- Dis moi... Duchesse... demanda timidement Riva, se tortillant malgré ses poignets et ses chevilles entravés pour s'approcher de la grille de la cage.
- Oui ?
- Comment une duchesse peut-elle se retrouver dans une cage, transférée pour l'exécution de sa sentence ?
- Et bien... pour commencer, je ne suis pas duchesse, lui répondit-elle. Tu peux m'appeler Éléonor si tu préfères.
- C'est plus un surnom qu'un titre, commenta Tahira, qui dirigeait le chariot, ayant entendu la conversation.
Riva regarda Tahira, puis revint sur la prétendue duchesse.
- Oui hum... Mes parents sont toujours duc et duchesse. Moi... je n'avais pas vraiment envie de me limiter à une vie de château.
- Comment ça ? Demanda Riva.
- On l'a capturée, ligotée, et retenue en otage pour avoir une rançon, répondit Ezval à sa place.
Balafre éclata d'un rire sincère au souvenir évoqué à l'instant par Ezval. Il compléta :
- Mais quand on l'a r'vue dans la nuit, elle jouait à ligoter not' compagnon qui d'vait la surveiller, ha ha !
- Oui... c'est à peu près ça, confirma la duchesse d'un sourire à la fois malicieux et timide.
- Mais ensuite, on a quand même eu la rançon, grâce à elle, continua Ezval.
- Et peu après, je me suis jointe à mes ravisseurs, termina la duchesse avec un large sourire.
- Mais...
Rivanon était abasourdie. Pourquoi diable aurait-elle voulu rejoindre ceux-là même qui l'avaient capturée et ligotée pour se faire de l'argent ?
- J'avais besoin d'aventure... et d'autre chose, répondit-elle, devinant les pensées de la jeune fille.
Rivanon se ressaisit, admettant son explication. Après tout, elle avait, elle aussi, rejoint le groupe d'une manière similaire. Elle fut légèrement intriguée par le "autre chose" dont elle parlait. Mais elle n'y fit finalement pas plus attention que ça.
- Et... pour la cage ? Finit-elle par redemander.
- Je me suis faite pincer alors qu'on tentait d'enlever la fille d'un couple de bourgeois, expliqua-t-elle.
- On savait qu'la duchesse d'vait ensuite être transférée chez l'baron Carys pour sa sentence, continua Balafre. C'était quasi l'seul noble du coin.
- Donc on est venu pour savoir quand est-ce qu'elle serait transférée pour pouvoir la libérer en chemin, dit Tahira en se retournant vers la prisonnière.
- Et finalement... Ezval est tombé sur moi au marché... termina Riva.
- Exact, confirma le jeune homme.

- Et... vous n'avez aucun mal à dormir... ? Sachant que vous rançonnez des gens qui s'inquiètent énormément pour leurs enfants ?
- Écoute, ma belle, commença Ezval. Regarde Silence.
Elle tourna la tête dans sa direction. Il la regardait d'un air sérieux comme pour appuyer l'argument d'Ezval. Elle revint sur Ezval qui poursuivit.
- On était dans le désert lorsqu'on l'a accueilli dans la bande. On voyait encore au loin les flammes qui consumaient son village dans la nuit. On avait entendu dire qu'une bande de pilleurs sans pitié avait élu domicile dans ce coin là. J'en mettrai ma main à couper que ce n'était autre que ces ordures qui ont mis ce village à sac. Mais Silence, lui, avait pu en réchapper. Seul. Quand on a compris qu'il n'aurait plus d'endroit où aller, on l'a pris sous notre aile.

Riva écarquilla les yeux. Elle venait de comprendre. Silence avait dû être traumatisé au point qu'il en perde la parole. Elle tourna la tête pour le regarder. Il la regardait également, impassible. D'un mouvement de tête, il confirma les faits décrits par Ezval.
- On ne tue pas à tour de bras, nous, continua Ezval. On ne tue que si l'on n'a pas le choix.

Elle resta sans répondre. Le raisonnement d'Ezval était juste, elle n'avait rien à ajouter.
- J'avais un ami, continua-t-il après un moment. Idris, qu'il s'appelait. C'est lui qui avait recruté Balafre.
Riva regarda Balafre, dont la mine s'était assombrie au son des paroles d'Ezval. Elle regarda de nouveau ce dernier, attentive, l'invitant à continuer d'un regard curieux.
- Il pensait que ça pouvait chauffer lorsqu'on était sur ce coup là. Il avait donc recruté Balafre en renfort. Ils s'étaient connus bien auparavant. Et il ne s'était pas trompé. Fort heureusement, on s'en est sorti. On aurait eu du mal sans Balafre. Mais quelques jours plus tard, mon ami se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. Il est mort tué dans un hameau, un peu plus au nord d'ici, qui s'est fait lui aussi pillé par des bandits.
Riva comprenait mieux encore la haine qu'Ezval éprouvait pour ces tueurs sans scrupule. Elle le vit sourire un instant. Un sourire ironique.
- Et dire que j'avais insisté pour qu'il n'aille pas acheter plus de nourriture que ce que nous avions déjà... Mais ce bougre n'en avait fait qu'à sa tête...
- Et à ce que je comprends c'était... un ami proche de toi ? Demanda timidement Riva.
Ezval eut un sourire en coin.
- Oui, répondit-il avec un rire léger. Un ami d'enfance. L'un des meilleurs que j'ai jamais eu. (Son sourire était retombé.) On était inséparable avec Idris et Ultan. C'est ensemble qu'on a commencé nos coups fourrés. Mais depuis ce jour là... Ultan évite l'aventure et passe le plus clair de son temps à la planque. Je ne sais pas s'il reprendra goût au risque et à l'aventure un jour...
- Et toi... ? Demanda Riva. Tu as toujours ce goût du risque après ça... ?
- Moins qu'avant... répondit-il sèchement.
- Alors pourquoi tu continues ?
- Nous sommes plus nombreux maintenant. Il faut bien nourrir tout le monde. Et dans ce groupe, on se sert les coudes.
- Et tu n'as jamais pensé à avoir un travail honnête... ? Osa-t-elle demander. Tu es bien fabricant de corde, non ?
- Mes parents l'étaient oui. Ils m'ont tout appris.
- Tu pourrais vendre tes cordes dans un village de pêcheurs...
- Crois moi, ma belle. C'est bien plus lucratif et rentable de faire ce qu'on fait. Et maintenant, tais toi. Ne poses plus de questions.

Elle se tût. Un moment seulement.
- Vous êtes encore beaucoup dans votre groupe... ?
Le groupe s'arrêta sur un geste d'Ezval. Il descendit de cheval.
- Tu verras, répondit-il. Mais quand je te demande de te taire, tu te tais. Si tu ne le fais pas toi-même, un bâillon t'y obligera.
Il ouvrit la cage et pénétra à l'intérieur.
- Et pour que tu comprennes bien, continua-t-il, tu vas passer un moment avec plus de contraintes.
- Mais...
Il la prit par les bras, la traina au milieu de la cage, la plaçant assise, les jambes tendues devant elle, les chevilles toujours ligotées. Il lui enserra ensuite la poitrine avec une corde, lui créant un harnais qui enserra ses bras. Il s'arrêta. Derrière elle, Riva ne pouvait voir ce qu'il faisait ou ce qui l'attendait.
- Oh... c'est tout...? Demanda-t-elle.
- Non, répondit-il froidement.
- Aah ! Cria-t-elle surprise alors qu'il l'allongea ensuite sur le côté.
Une corde, qu'il venait finalement de sortir de sa sacoche, s'enroula autour de ses jambes au-dessus de ses genoux, enserrant sa jupe. Le cordier rapprocha ses jambes près de sa poitrine, tira la corde qu'il relia au harnais de la jeune noble.
- Mais... Mmh... !
- Respire. Calme toi.
Il continua en reliant avec une plus petite corde les poignets avec les chevilles, bloquant définitivement la prisonnière dans cette position en boule.
- Voila. Là c'est fini, dit-il.
Riva avait un peu de mal à respirer, ses jambes faisaient comme une pression sur son bas ventre et sa poitrine.
- Calme toi. Respire. Tu peux parfaitement respirer.
Elle ferma la yeux, suivit ses conseils, prit une grande inspiration, puis souffla un long moment. Elle se calma. Elle respirait de nouveau normalement.
- Bien.
Le cordier sortit de sa sacoche une bande de lin écru sur laquelle il fit un nœud en son centre.
- Ouvre.
Elle ouvrit les yeux et vit le tissu passer devant son visage. Elle comprit. De toute façon, elle ne semblait pas avoir le choix, pensait-elle. Elle ouvrit la bouche et le nœud s'y enfourna rapidement. Le cordier tira les bandes dans la nuque puis les noua d'un coup sec.
- Mmmph...
Le cordier sortit de la cage et la referma. La prisonnière, allongée sur le côté, les jambes repliées sur elle-même, était complètement immobilisée au centre de la cage. Les seuls mouvements perceptibles étaient ceux de ses doigts et de ses pieds, qu'elle remuait de temps à autre, ainsi que sa respiration.
Le cordier remonta à cheval.
- Aller. On repart.

Romrocky
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Re: La noble et le cordier : le trésor des ruines de Sakat

Message par Romrocky »

Chapitre 6 : La danseuse de Nekhbet

La nuit était presque tombée lorsqu'ils passèrent les montagnes. En sortant d'un chemin qui passait entre elles, ils arrivèrent alors devant une vaste étendue désertique. La température, quant à elle, avait chutée, la journée d'été ensoleillée laissait la place à la fraicheur du soir.
- On va monter le camp ici, annonça le cordier. On va en profiter pour faire nos réserves d'eau, puis on reprendra la route demain.
Riva, toujours dans sa cage, se demandait bien où l'eau pouvait être trouvable dans un coin aussi aride.
Le camp fut monté, et la prisonnière fut sortie de sa cage, assise sur un rocher près de l'emplacement du futur feu de camp.
Balafre et Silence soulevèrent un rocher qui se trouvait en amont de la pente montagneuse près de laquelle ils se trouvaient.
Le rocher couvrait en fait un trou profond, dans lequel on pouvait entendre des clapotis résonner. C'était un puit. De toute évidence, sa cachette n'était pas connue de beaucoup de personnes, et le chemin encore moins.
Les gourdes furent remplies, et le repas, bien que frugal, fut servi.

- Pourquoi vous me laissez encore attachée pour manger ? Demanda Riva. Je ne risque plus de m'enfuir en étant ici.
- Donc tu peux nous dire le reste de ce que tu sais sur le trésor alors... ? Demanda Ezval.
Rivanon fronça les sourcils.
- Et vous allez m'abandonner ici. C'est hors de question, je viens avec vous.
- Alors tu restes attachée, rétorqua Ezval. Tu ne nous fausseras pas compagnie non plus quand on arrivera aux ruines de Sakat.
- Mais je ne vais pas encore dormir attachée cette nuit ??
- T'as d'la chance, y'a la cage, répliqua Balafre.
- Non, tu ne dormiras pas attachée, compléta Ezval. Mais en effet, tu iras dans la cage.
- Ah, quand même ! S'exclama-t-elle.
- Mais demain matin tu retrouveras les cordes avant de reprendre la route. (Riva fit la grimace). Juste les poignets et les chevilles. Je ne vais pas de nouveau t'attacher comme tout à l'heure, ne t'inquiète pas.
Son visage se détendit finalement alors que son inquiétude disparaissait.
Cette position avait été particulière, elle n'avait jamais ressenti une contrainte comme celle-ci. La tenir trop longtemps comportait un risque, mais heureusement, on avait enlevé le lien qui reliait ses jambes à sa poitrine au bout d'une heure environ. Elle avait ensuite passé le reste du trajet dans une position plus confortable, les mains liées aux pieds dans le dos.
Sans plus de mots, ils commencèrent à manger en silence. Ezval faisait d'abord manger Rivanon, qui avait toujours les mains ligotées dans son dos, avant de manger son propre repas.

- Ça fait tout de même du bien de revoir le désert... Dit enfin Tahira après un long silence, le regard plongé dans le ciel étoilé de la nuit.
Silence acquiesça d'un signe de tête, regardant le feu, alors qu'il mangeait à son rythme.
Le feu délimitait nettement la zone que l'on pouvait encore distinguer. Tout ce qui entourait le camp n'était plus qu'un noir profond.
- Tu viens... de Nekhbet ? C'est bien ça, Tahira ? Demanda Rivanon.
- C'est bien ça ! Confirma-t-elle en la regardant, souriante.
Elle défit son voile rouge qui était à ses hanches pour le poser sur ses épaules, tel un châle, afin de les protéger de la fraicheur nocturne.
- Et c'est comment là-bas ?
- Et bien... puisque c'est la première ville qu'on peut croiser en descendant dans le sud, il y a beaucoup de voyageurs. C'est une petite ville, mais très vivante. Les gens ne s'habillent pas comme partout ailleurs dans le désert ou dans le nord.
Rivanon avala le morceau de fruit qu'Ezval lui avait mis en bouche.
- Et vous vous connaissez depuis longtemps avec le groupe ?
Tahira eut un sourire en coin, alors qu'elle plongeait dans ses pensées, regardant le feu crépiter.
- Non... pas vraiment... Finit-elle par dire.

***

Le soleil cognait sur la ville de Nekhbet. La chaleur était omniprésente, cependant, cela n'empêchait pas une circulation active de la foule dans les différentes rues.
Une musique s'entendait depuis l'extérieur d'une bâtisse, dont l'entrée avait pour seule porte un rideau de petites cordelettes décorées par des cylindres de bois, peints de diverses couleurs.
À l'intérieur, des gens, aussi bien étrangers que du coin, acclamaient une jeune danseuse sur la scène, tapant en rythme de leurs mains et de leurs chopes, contenant de fraiches boissons aromatisées aux fruits.
La danseuse portait une jolie robe longue marron clair, dont le tissu qui recouvrait sa poitrine remontait en s'affinant jusqu'à la base de son cou, s'accrochant à un anneau en bronze faisant également office de collier. Un voile rouge opaque, aux bordures dorées, était noué sur sa hanche gauche, telle une ceinture triangulaire. Ses cheveux noirs qui ondulaient au rythme de ses mouvements, étaient en partie couverts par un voile orange, opaque, maintenu sur sa tête par un anneau en bronze faisant le tour de sa tête. Le mystère de cette jeune danseuse au teint hâlé était soutenu par son voile de visage rouge, volant, couvrant le nez et descendant jusqu'en dessous du menton, ne laissant voir que ses yeux marron foncé, attirant le regard de tout homme qui les croiserait.

La représentation était finie, quelques pièces furent lancées sur la scène sous les acclamations. Les lancés les plus précis remplissaient un petit sac en tissu posé sur la scène, bien qu'une majorité atterrissait à côté.
La jeune femme saluait. Puis lorsque les spectateurs revinrent à leurs discutions, elle rassembla les pièces tranquillement pour les mettre dans son sac. Elle descendit ensuite de la scène et s'installa à une table, alors que les musiciens commencèrent un nouveau morceau au rythme moins soutenu. À peine installée, une serveuse passa et lui servit un plat. Elle était habillée d'une jupe longue, d'un simple soutien gorge laissant à la vue de tous sa fine taille et son ventre, ainsi qu'un voile de visage semblable à celui de la danseuse bien qu'il fut légèrement transparent, laissant deviner ses lèvres pulpeuses à travers lui.
La danseuse la remercia, enleva son voile de visage et commença à manger la fraiche salade de fruit contenue dans l'assiette.

- Jolie prestation... Dit une voix masculine près d'elle après un moment.
La jeune femme se retourna. Un jeune homme châtain au teint clair et légèrement barbu se tenait juste derrière elle.
- Merci... lui dit-elle avec une légère hésitation.
Il passa devant elle, posa la main sur la chaise vacante en face d'elle.
- Puis-je ?
Elle lui fit un signe de tête, et il s'installa.
- Je m'appelle Ezval.
Elle avala sa cuillerée de fruits.
- Tahira.
- Vous êtes à temps plein ici ?
- J'aimerais bien... répondit-elle en reprenant une cuillère de fruit.
- Dans ce cas, que diriez-vous de venir deux ou trois jours chez nous ? On aimerait bien un peu d'animation de temps en temps. Vous seriez logée, nourrie et bien sûr payée.
Tahira regarda sa salade de fruits. Elle se débrouillait, mais gagner sa croute était cependant difficile.
- Où ça... ?
- Mon groupe et moi, on est établi en retrait de la ville. Il peut souvent y avoir des tempêtes de sable, donc on ne sort que rarement. Si vous acceptez, c'est pour les jours convenus. Je vous ramènerai ici, à Nekhbet, dès la fin de ces jours. Vous avez ma parole.
- Et combien vous me donnerez ?
- Cent pièces d'argent par jour.
La jeune danseuse écarquilla les yeux. Pour elle, c'était une fortune.
- Alors... ? Demanda-t-il.
- D'accord.

Dans la soirée, elle l'attendait au lieu convenu. La nuit commençait à tomber, le coin était désert. Il devait venir avec son cheval pour faire le chemin, mais il était en retard. Pas de beaucoup selon elle, mais suffisamment pour qu'elle commence à s'ennuyer et à ruminer.
Soudain elle sursauta. On lui avait pris les bras en les ramenant derrière. Elle n'eut pas le temps de réaliser ce qu'il se passait que ses mains étaient déjà liées derrière son dos. Elle voulut crier, mais au même moment, un tissu entra dans sa bouche, se tendit, et se serra dans sa nuque, ce qui la gêna et l'empêcha de sortir un son. Tout allait très vite. Elle fut aveuglée également, un bandeau sur les yeux, réduisant son champ de vision au noir complet.
- Calmez-vous. C'est moi, Ezval, lui dit-il avant qu'elle n'eut le temps d'essayer à nouveau de pousser un cri.
Elle se stoppa net, s'interrogeant sur ce qu'il se passait.
- Je suis désolé, mais on n'a pas envie que tout le monde connaisse l'endroit où on s'est réfugié. J'ai apporté mon cheval, le trajet ne sera pas long.
Il la tira par le bras. Elle tremblait, ne sachant que faire. Elle était obligée de se laisser faire. Il la fit monter sur un cheval, l'installa en amazone. Elle sentit ensuite qu'il montait derrière elle, la tenant fermement, ainsi que les rênes. Puis ils filèrent au galop à travers le sol aride et rocailleux du désert.

***

La lumière parvenait à réveiller Tahira. Elle ouvrit les yeux. Le soleil éclairait les parois rocailleuses de la grotte en parvenant d'un couloir.
- Bonjour Tahira.
Elle regarda dans la direction d'où venait la voix. La même que celle de l'individu qui l'avait ligotée et amenée dans cet endroit.
Le jeune homme s'approcha.
- Bien dormi ?
- Ça va... ta paillasse n'est pas très confortable, mais j'ai connu bien pire, répliqua-t-elle.

- Voilà notre scène, si on peut l'appeler comme ça, dit Ezval alors qu'ils s'étaient tous les deux rendus dans une autre pièce.
Il montrait un plancher en bois légèrement surélevé, situé dans un creux de la grotte. Au fond à droite de la cavité, se trouvait un accès, un petit couloir à travers la roche, qui donnait sur une petite salle, elle-même réliée par un couloir donnant sur le tunnel de l'entrée.
La pièce principale semblait comme une clairière au milieu d'une forêt danse. Les tunnels dans la roche formaient de multiples passages interconnectés, se rejoignant tous au centre. Cette clairière rocheuse était à ciel ouvert, éclairée directement par le soleil dont la lumière se propageait légèrement dans les tunnels alentours.
Du mobilier avait été installé. Plusieurs tables, chaises, tabourets, tonneaux, avaient été disposés ça et là, prenant l'espace qu'il fallait dans la pièce, mais laissant de larges espaces pour circuler avec aisance.
- Il y aura plus de monde dans la soirée, expliqua Ezval. Au fond c'est le Chef qui travaille. Il nous prépare ce qu'il y aura pour ce midi et ce soir.
Ezval montrait un grand personnage aux cheveux et à la barbe noir, habillé d'une tunique marron clair, d'un pantalon marron foncé, ainsi que d'un tablier lui couvrant le torse et les cuisses.
- Est-ce qu'il y a des musiciens dans votre groupe ? Demanda-t-elle.
- Balafre se débrouille bien avec un luth. Est-ce que ça ira ?
- Oui. Mais je jouerai aussi de mon riq en dansant. Ça donnera plus de rythme que le luth seul.

Le soir venu, la prestation fut sublime. La danseuse fut acclamée par le public installé confortablement sur le mobilier en bois. Le rythme endiablé avait entrainé le public dans la danse comme s'ils y étaient.
Après ce spectacle, elle s'installa pour manger avec Ezval et Balafre.
- Excellente prestation ! S'exclama Ezval. Merci beaucoup de nous partager ton talent inné !
- De rien, répondit-elle timidement en apportant à ses lèvres son verre d'eau. Mais des remerciements et des compliments n'excuseront pas la nuit que j'ai passée ligotée dans le noir...
- C'était une sécurité, répondit Ezval. Le désert est dangereux, et c'est qu'on voulait pas que tu essayes de repérer l'endroit.
- Faut pas que trop d'gens sachent où qu'on s'trouve, compléta Balafre. Y'a beaucoup d'gens qui nous aiment pas.
- Et ce sera la même chose ce soir, ma belle, désolé. Et quand on te ramènera à Nekhbet, de même. On te bandera les yeux avant de te faire sortir de la grotte. On te détachera que lorsqu'on sera arrivé.
Tahira resta silencieuse un moment.
- Je n'ai donc pas vraiment le choix...
- Non, en effet, répondit Ezval. Mais si tu te montres digne de confiance, après quelques temps, tu pourras venir et repartir à ta guise, comme toutes les personnes qui sont ici.
Tahira resta encore silencieuse. Il reprit :
- Mais en aucun cas on ne t'obligera à rester ici, tu as ma parole.
- Bien... répondit Tahira après un moment. Je vais déjà danser ces prochains jours comme promis. Je verrai une fois de retour à Nekhbet.
- C'est parfait, déclara Ezval.

Un jeune couple se leva ensuite de leur table pour se diriger dans ce qui faisait office de coulisses à la scène. Tahira regarda avec attention les deux personnes, remarquant un détail étrange. Le jeune homme portait à bout de bras un sac en tissu rempli de cordes.
Ezval remarqua son interrogation.
- La suite va sans doute te paraître étrange...
- Pourquoi ça ?
- Ce n'est pas une prestation comme les autres.
Il avait raison. Tahira écarquilla les yeux lorsqu'elle vit le couple sur scène. Apparemment, ici, attacher une personne était bien plus qu'une simple restriction...

Le soir suivant se passa de la même façon. Musique endiablée, danse et puis... des cordes, de la douceur et de la tendresse.
Tahira était, ce soir là, encore à table avec Ezval et Balafre. Après un moment, elle demanda :
- Ezval... ?
- Hmm... ? Son regard passant de la scène à Tahira, comme le tirant de ses pensées.
- J'aimerais être la suivante...

Après ses trois jours passés dans ce qu'Ezval appelait "la planque", Tahira fut ramenée à Nekhbet, ligotée et les yeux bandés le temps du trajet.
Une quinzaine de jours plus tard, ils se recroisèrent dans la même ville. Tahira dansait dans la rue pour gagner de l'argent, bien qu'elle ait toujours quelques économies depuis son séjour à la planque.
Elle voulait revenir avec eux. Même si elle devait être ligotée de temps en temps, elle était assurée de pouvoir manger. Et au final... le séjour ne lui avait pas paru désagréable.
Ezval et les personnes qui l'accompagnaient ce jour là acceptèrent. Il n'était plus question qu'elle soit payée, mais elle serait logée et nourrie.

C'était devenu une habitude pour Tahira de rester à la planque et de danser pour divertir le public. Puis un jour, Ezval annonça qu'il allait partir vers le nord avec quelques personnes afin de "remplir leurs bourses", comme il disait.
Tahira voulait découvrir le monde et voir d'autres endroits que sa ville et le désert. Elle sauta sur l'occasion pour les accompagner.
Une jeune femme que la jeune danseuse n'avait vu que depuis la veille s'était également jointe au groupe.
- Une nouvelle ? Demanda ladite jeune femme.
- Éléonor, commença Ezval, je te présente Tahira. La danseuse de Nekhbet.

Romrocky
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Re: La noble et le cordier : le trésor des ruines de Sakat

Message par Romrocky »

Chapitre 7 : La planque

- On arrivera dans la journée, affirma Ezval en chargeant les escarcelles de son cheval des diverses choses qu'il avait sorti la veille pour le bivouac.
- Oh lala... j'en peux plus de cette chaleur, dit la jeune noble alors qu'elle attendait près de la cage avec Balafre, les mains liées dans le dos. Six jours c'est vraiment trop...
Pour se protéger du soleil, elle avait revêtu une longue cape grise qui cachait ses mains ligotées. Une toile de tente avait également été installée sur la cage pour protéger l'intérieur du soleil.
Chacun des membres du groupe portait également un chaperon pour se protéger des puissants rayons du soleil. Ezval portait même un foulard rouge, masquant le bas de son visage, afin de se protéger du sable. Il paraissait encore plus mystérieux qu'avant.
- Il faut s'habituer, ma belle, dit Tahira avec sa douceur habituelle. Le désert t'a l'air hostile, mais il est tout à fait possible d'y vivre confortablement quand on sait l'apprivoiser.
La jeune danseuse avait quant à elle remis ses habits qu'elle avait l'habitude de porter à Nekhbet. Une robe aux couleurs du sable, son voile rouge noué à la taille, un voile orange qui la protégeait du soleil, maintenu sur la tête avec un anneau simple en bronze, ainsi que son voile de visage rouge, dissimulant son nez, ses lèvres et soulignant ses yeux, s'arrêtant juste en dessous du menton.

- Tahira, non. Tu ne conduis pas le chariot aujourd'hui. Tu vas tenir compagnie à Riva dans sa cage.
- Ah ! Enfin ! S'exclama Tahira en s'étirant tranquillement.
Ezval sortit des cordes.
- Aller, tu connais maintenant...
Elle sourit. Un sourire qui ne se distingua que de par ses yeux. Elle tourna ensuite le dos à Ezval et croisa ses mains derrière elle.
Le cordier commença à lier ses poignets.
- Mais... Pourquoi vous attachez Tahira... ? Demanda innocemment Rivanon.
- Il y a encore des choses que tu ne sais pas Riva, répondit la jeune femme au teint hâlé. Et moi non plus je ne peux pas encore les savoir.
- Mais... savoir quoi ?
- La planque, intervint Balafre. (Il sortit une bande de tissu de sa sacoche.) Vous d'vez pas la voir.
Rivanon s'étonna quelque peu en voyant le tissu dans la main du guerrier, mais elle comprit vite ce qui l'attendait. Redressant la tête, elle resta droite alors que le bandeau fut apposé sur ses yeux, puis noué, d'une manière plutôt brutale.
Il rabattit ensuite la capuche de sa cape sur la tête de la captive. Ample, celle-ci retombait sur ses épaules et tombait ainsi légèrement devant le bandeau qui lui couvrait les yeux.
Balafre ouvrit ensuite la porte de la cage.
- Monte. Attends, j'vais t'aider.
Rivanon monta dans la cage avec son soutien. Son caractère un peu bourru ne l'empêchait pas de se montrer attentionné quand il le fallait.
- C'est bon Tahira. À toi.
Le cordier guida Tahira jusqu'à la cage et l'aida également à monter. Avec son voile et son bandeau tout juste posé sur ses yeux, on ne distinguait même plus le visage de la jeune femme.
- Merci, répondit-elle une fois montée dans la cage.
Elle s'installa, assise, tout comme Riva, alors que Balafre fermait la porte.
- On est parti ! Annonça Ezval.

Cela faisait à peine cinq minutes qu'ils étaient partis lorsque Riva demanda à Tahira :
- Il y a d'autres choses encore que je ne sais pas, ou que je ne dois pas savoir ?
- Que tu ne dois pas savoir, non. Que tu ne sais pas encore en revanche...
Elle s'arrêta un petit moment, avant de reprendre.
- Mais tu verras bientôt par toi-même.

Ils arrivèrent au milieu de l'après-midi. Un relief de roche semblable à une colline à la pente raide, haute d'une vingtaine de mètres. Cachée entre deux rochers, se trouvait l'entrée d'une grotte.
Le groupe cacha le chariot derrière un rocher près de là. Suivis par leurs chevaux, ils se dirigèrent ensuite tous vers l'entrée, les deux prisonnières suivant aveuglément le cordier et Balafre qui en tenait chacun une par le bras.

- Il fait un peu plus frais ici... remarqua Riva.
- Oui. Tu vas rester là un moment, je viendrai te chercher plus tard.
Le cordier, qui avait retiré sa capuche et abaissé son masque, tira en arrière la capuche de sa prisonnière et lui enleva sa cape, la laissant tomber en glissant sur elle. Il défit ensuite son bandeau. Les yeux de la jeune femme purent s'ouvrir sur une petite pièce aux murs de roche légèrement aménagée. Il y faisait sombre. Les seules lueurs venaient de l'entrée de la pièce ainsi que d'une petite bougie éclairant faiblement l'endroit.
Le cordier défit les liens qui entravaient les poignets de la jeune fille.
- En attendant, dit-il en posant un sac en tissu bien rempli, tu peux te rincer avec l'eau dans le bac ici et te changer si tu veux. À tout à l'heure.
Et la porte de fortune en bois claqua, ne laissant plus passer qu'un fin rayon de lumière.

La jeune prisonnière était enfin libre de ses mouvements ! Elle avait passé plusieurs jours dans les mêmes vêtements. Elle devait se laver et se changer.
Elle se dépêcha de se déshabiller, de s'installer dans le bac en bois au fond de la pièce, et de se rincer avec l'eau qui se trouvait dans une grande carafe décorée de diverses peintures.
Une fois son bain terminé, elle regarda le contenu du sac. Elle sourit.
Il s'agissait de sa robe bordeaux qu'Ezval avait gardé avec lui tout au long du voyage.
Elle se pressa de l'enfiler. Bien que sa robe tienne plus chaud que ses précédents vêtements, elle avait senti la température baisser au fur et à mesure que le soir approchait.
Elle était heureuse d'avoir pu remettre les vêtements qu'elle avait l'habitude de porter. Elle était prête. Cependant, elle n'entendait toujours pas de bruit dans ce qu'elle supposait être le couloir.
Elle tua alors le temps en essayant de laver tant bien que mal ses vêtements de voyage avec l'eau du bain. Elle n'avait pas oublié que c'était Tahira qui les lui avait prêtés.

Elle entendit soudain du bruit venant du couloir. La porte s'ouvrit. Ezval était là, accompagné de la jeune danseuse qui avait elle aussi été détachée.
- Tu viens manger, Riva ? Demanda-t-elle dans un grand sourire.

***

Ezval et Rivanon étaient installés à une petite table dans ce qui était comme une clairière au milieu de la roche, d'où l'on pouvait voir le ciel. La lumière du soleil diminuée se faisait peu à peu remplacer par un feu de camp bien aménagé au milieu de la clairière, ainsi que des bougies par-ci par-là.
La jeune noble n'en revenait pas. La grotte prenait la forme d'un réseau de tunnels dans la roche qui se rejoignaient tous ou presque dans cette clairière qui faisait office de salle commune.
Il y avait plusieurs autres personnes, certains même semblaient travailler ici. Un homme, un peu plus grand que Silence, également au teint hâlé, s'affairait sur un comptoir. Son tablier était plutôt sale, et sa tunique sans manche dévoilait ses bras plutôt imposants alors qu'il manipulait les ingrédients pour ses plats.
Une jeune femme l'aidait dans ses préparations et venait apporter les écuelles quand elles étaient prêtes. Ses cheveux noirs étaient coiffés en une seule longue tresse qui venait se déposer sur son épaule droite, contrastant avec sa peau claire, et tressautait légèrement à chacun de ses pas.

- Alors, la belle. L'endroit te plaît ?
Cette voix féminine sortit Riva de ses pensées. Se tournant vers celle-ci, elle aperçut Éléonor. Cependant, cette fois-ci, elle comprit pourquoi elle méritait toujours son surnom de duchesse.
Elle portait une longue robe noire, dont le bas de celle-ci ainsi que les bords de son large décolleté carré étaient décorés de galons blanc. Un collier très travaillé serti de plusieurs onyx décorait à merveille sa gorge. Ses manches étaient quant à elles serrées et s'arrêtaient au niveau des poignets. Ses cheveux blonds contrastaient parfaitement avec la couleur sombre de sa robe. Le tout lui donnait l'allure d'une véritable dame.
- Oh... Heu... Bafouilla Riva. C'est un peu spécial mais je vois que vous avez fait beaucoup d'efforts pour rendre l'endroit... agréable...
Riva remarqua ensuite à la taille de la duchesse sa fine ceinture, à laquelle étaient accrochées légèrement à l'arrière mais visibles depuis les côtés, des cordes.
- Oui, ce n'est certainement pas ce à quoi tu es habituée...
Un jeune homme arriva derrière la duchesse.
- Salut Venec ! L'interpella Ezval, assis en face de Riva.
- Salut Ezval !
La duchesse tourna les épaules, regarda un instant le jeune homme qui venait d'arriver, lui fit un sourire, puis se retourna vers Rivanon.
- La belle, je te présente mon compagnon, Venec.
Les cheveux châtains coupés court, la barbe rasée hormis une légère barbiche attachée avec un petit anneau en métal, le dénommé Venec était torse nu avec un pantalon noir plutôt ample et des sandales aux lanières en cuir.
- Venec, voici Rivanon, la fille du baron Carys, continua-t-elle.
- Oh ! Une nouvelle recrue ?
- Heu... hésita Riva.
- On peut dire ça, ajouta Ezval.

À ce moment, deux personnes firent leur entrée sur un plancher légèrement surélevé dans un coin de roche, bien visible depuis n'importe quel endroit de la pièce. Ce petit coin rappelait une scène de théâtre.
Les deux personnes n'étaient autre que Tahira et Balafre. Ce dernier s'installa sur un tabouret, légèrement en retrait, prenant en main son luth. La jeune danseuse se mit au milieu de la scène de fortune, dos au public, son riq à la main.
Les premières notes se firent entendre. Les quelques voix qui s'élevaient dans la salle se turent, puis ce fut le tour du riq de faire résonner ses cymbales au rythme des frappes de la jeune femme qui commençait à se déhancher. Elle se retourna face au public gracieusement, faisant tournoyer sa robe, tout en continuant d'alterner les positions de ses hanches. Elle continua ainsi en faisant quelques pas d'avant en arrière, délaissant un peu son instrument, ne venant frapper dessus que de temps à autre lorsque ses pas de danses s'y prêtaient, mais toujours régulièrement de sorte à toujours garder le rythme. Faisant onduler et tournoyer sa robe lors de ses mouvements, le voile qui était posé sur sa tête descendant sur ses cheveux suivait également le rythme. Le mystère de la jeune femme était souligné grâce à son voile, rouge comme le foulard attaché à sa taille, en cachant la partie basse de son visage, laissant visibles ses yeux perçants et charmeurs.

- C'est à vous deux après ? Demanda doucement Ezval en se penchant vers la duchesse.
- Non, c'est à Ultan et Méli ce soir, lui répondit-elle.
- Ah ! Parfait ! Je vais pouvoir voir si mon vieil ami a fait des progrès.
Rivanon fut interpellée par le dernier mot de sa phrase. Des progrès en quoi, se demandait-elle ? Mais elle n'en fit rien, étant certaine d'être fixée bien assez tôt.

Un moment plus tard, la musique s'arrêta en même temps que la danse endiablée de Tahira. Tout le monde applaudit. La jeune noble remarqua quelques changements dans la salle. La duchesse et son compagnon s'étaient éclipsés pour s'installer à une table un peu plus loin, et deux nouvelles personnes qui n'étaient pas là un instant plus tôt venaient également de s'installer. Une jeune femme au teint hâlé habillée de noir, ainsi qu'un jeune homme châtain chevelu et moustachu avec une chemise marron. Silence était aussi là, occupé à écouter le chef cuisinier lui parler de son bouillon apparemment légendaire qui avait fait sa réputation jusqu'ici. Il ne semblait manquer que la serveuse à la tresse noire.
- Alors Riva, comment tu nous as trouvé ? Demanda Tahira alors qu'elle s'était approchée après être descendue de scène.
- Tu danses remarquablement bien ! Je comprends pourquoi Ezval a voulu que tu rejoignes le groupe...
La danseuse eut un rire discret puis remercia la demoiselle du compliment avec un sourire uniquement perceptible grâce à ses yeux expressifs.
- Tahira, viens manger maintenant, c'est prêt ! Intervint Balafre alors qu'il posait deux écuelles sur une table juste à côté.
- Ah oui, j'arrive ! Répondit-elle. Profite bien de la suite ! Dit-elle en s'adressant à Rivanon tout en se dirigeant vers la table.

Riva était intriguée par cette suite tant attendue. Elle continuait d'observer Tahira qui s'était installée sur son tabouret face à Balafre, de côté par rapport à la scène pour n'avoir qu'à tourner la tête afin d'y observer ce qui se passait. Elle avait enlevé son voile de visage, découvrant le bas de celui-ci, et commençait à manger.
Il commençait à faire nuit, ne laissant bientôt qu'une faible lueur venant du ciel assombri, soutenue par les différentes lumières des bougies et du feu présents dans la salle.
Tous les regards furent soudain attirés sur la scène. Deux personnes venaient de mettre les pieds dessus.
Le premier était un jeune homme qui avait les cheveux châtain clair, presque blond, légèrement en bataille, arrivant juste au-dessus de ses épaules. Sa barbe était plutôt fournie et avoisinait les quinze centimètres.
La deuxième personne n'était autre que la serveuse à la tresse noire. Sans son tablier qui la couvrait, sa longue jupe bleue la distinguait du reste de la scène en contrastant avec les couleurs majoritairement chaudes du lieu.
Sur le petit tabouret où s'était assis Balafre un peu plus tôt, le jeune homme y déposa un sac en tissu noir qui, en s'affaissant, découvrit son contenu : des cordes. La dénommée Méli tourna vivement mais gracieusement le dos au public, faisant tournoyer sa jupe, laissant ses bras tomber le long du corps. Le jeune homme s'approcha d'elle, une corde à la main. Il fit ensuite glisser ses mains le long des bras de la jeune femme. Puis comme indiquant du mouvement la position que ses bras devaient adopter, elle les plaça dans son dos, les avant bras l'un sur l'autre, à l'horizontale.
Le public n'en ratait pas une miette. Le jeune homme entourait à présent les poignets de la jeune femme qui était d'un calme et d'une sérénité remarquable.
Le barbu à la tunique sans manche et aux multiples pendentifs fit tourner sa prisonnière pour qu'elle soit face au public alors qu'il passait maintenant la corde autour de son buste et de ses bras. La blouse blanche et le serre-taille de la jeune femme mettait déjà bien en valeur la poitrine de celle-ci, mais les cordes la faisaient encore plus ressortir en tendant d'autant plus le tissu de son vêtement.
- Le spectacle te plaît... ? Demanda Ezval en s'adressant à Riva.
Celle-ci, sortie de son observation, ou de son admiration, elle ne savait plus trop, tourna la tête vers son compagnon de tablée et le regarda un instant, réfléchissant à la réponse à cette question.
- Elle... semble se plaire ainsi, au vu de son sourire...
- Tu as bien observé en effet, répondit-il. Mais quoi d'autre te saute aux yeux... ?
- Et bien... hésita-t-elle.
À ce moment, le jeune homme sur la scène, Ultan, avait fini de ligoter le buste de sa prisonnière et avait relié les liens à un anneau accroché au plafond de roche au dessus de la scène. La jeune femme ne pouvait plus aller nul part. Il sortit alors du sac une étoffe noire qu'il approcha des yeux de biche de ladite serveuse. Elle ferma les yeux lorsque celui-ci fut posé délicatement dessus et noué derrière la tête.
- Elle n'a pas peur... continua Riva tout en regardant la scène.
- Mais encore...? L'encouragea Ezval.
Ultan avait sorti une autre bande de tissu noir qu'il tendit et passa devant les lèvres de la captive. Celle-ci dut certainement sentir le tissu proche d'elle, et ouvrit naturellement la bouche pour permettre à son ligoteur de l'y lui insérer délicatement, sans forcer, et baissa la tête lorsqu'elle sentit le bâillon se tendre vers l'arrière. Cela rendit plus facile au ligoteur de nouer doucement mais fermement le tissu qui bâillonnait à présent le jeune femme.
- Elle anticipe, dit Riva. Elle se laisse faire et rend la tâche plus facile à celui qui l'attache.
- Et... C'est tout...? Encouragea encore Ezval.
- Non... dit-elle. Elle... Elle a une parfaite confiance en lui...
- Exactement. Finement observé ma belle...

La démonstration de confiance et de technique des cordes continuait. Méli, la jeune serveuse encordée, avait maintenant les jambes au même niveau que le torse, suspendue à l'horizontale, de profil par rapport au public.
- En effet, Ultan s'est plutôt bien amélioré, remarqua Ezval à haute voix.
- Tu le connais depuis quand...? Demanda timidement Riva.
- Depuis tout jeune. C'est un de mes amis d'enfance avec Idris. C'est ensemble qu'on a... commencé tout ça.
- Mais ton ami Idris... si j'ai bien compris... il n'est plus là...
- Non, il n'est plus là. Ça a toujours été à risque, de toute façon.
- Le résultat que je vois là est pourtant beau... On ne dirait pas que vous courez tout le temps après des rançons...

Le spectacle était fini sous les applaudissements des personnes dans la salle. Même Rivanon applaudissait. Elle avait pu remarquer une performance technique qu'elle n'avait jamais imaginée lorsqu'elle observait les nœuds au fur et à mesure.
Ultan détacha progressivement Méli. Riva était autant absorbée que lorsque le jeune homme l'attachait, bien que les autres furent apparemment repartis dans leurs discussions. Les pieds par terre, le bandeau enlevé, puis le sourire de la demoiselle au moment où le bâillon lui fut enlevé, ainsi que ses yeux pétillants de bonheur. Riva était fascinée.
- Aller, c'est l'heure de dormir, déclara le cordier. Viens, Riva.
Il la prit par le bras et la força légèrement à le suivre, bien qu'elle n'opposa pas de résistance.
- Tu vas dormir dans la pièce de tout à l'heure, dit le cordier sur le chemin. Tu as de l'eau et tout ce qu'il faut pour tes besoins. La porte sera fermée à clef. J'espère que tu te comporteras sagement, comme pendant le voyage. Sinon, tu dormiras attachée.
Elle ne dit rien. Elle n'avait de toute façon aucune intention d'essayer de s'enfuir pour aller trouver le trésor seule.
Une fois dans la pièce, Ezval étant resté sur le pas de la porte, elle se retourna vers lui.
- Ezval...?
- Oui ?
- J'ai vraiment trouvé ça... très beau. Merci...
Il ne dit rien un instant.
- De rien. Nous aussi, on trouve ça beau.
Elle se retourna, le bas et les manches de sa robe suivant le mouvement avec un léger retard, regardant le lit de paille sur lequel elle allait dormir.
- Bonne nuit, Ezval...
- Bonne nuit, Riva...
Et la porte se ferma doucement, puis se verrouilla.

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Mad Hatter
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Re: La noble et le cordier : le trésor des ruines de Sakat

Message par Mad Hatter »

Sacré chemin pour visiter un cabaret de bondage très encordant.

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Romrocky
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Re: La noble et le cordier : le trésor des ruines de Sakat

Message par Romrocky »

Chapitre 8 : Cordes et regards

- Aller ma belle, on se lève, ordonna Ezval.
Riva était encore allongée sur son lit de paille. Elle avait dormi habillée de sa robe de velours bordeaux.
- Hum... Dit-elle encore les yeux fermés. Il faut déjà partir... ?
- Non. On partira demain matin, affirma Ezval. Aujourd'hui, on prépare les provisions nécessaires pour aller jusqu'aux ruines et revenir.
- Mais... Vous ne l'avez pas fait hier quand j'étais enfermée... ? Demanda-t-elle innocemment.
- Après plus d'une semaine de voyage, tu t'imagines bien qu'on avait plutôt envie de se laver, ou tout du moins de se reposer, comme toi.
- Ah... d'accord... dit-elle alors qu'elle commençait à se rendormir.
Le cordier s'approcha alors doucement de Rivanon et la prit ensuite par le bras et la taille.
- Heeyyy ! Cria-t-elle de surprise, ouvrant grand les yeux.
Le cordier venait de la soulever pour la mettre sur son épaule.
- C'est bon Ezval ! dit-elle. Je suis réveillée, tu peux me poser !
Le cordier ne répondit rien, se contentant de l'emmener hors de la pièce.

Plus tard, dans la clairière de roches que le soleil venait déjà éclairer, la jeune noble et le cordier mangeaient à la même table un petit déjeuner frugal.
Riva avait remarqué que tout le monde n'était pas encore levé. Le chef qui préparait les plats la veille était certainement encore en train de dormir, mais la nourriture était en libre accès.
- Aujourd'hui, tu passeras la journée attachée avec Tahira, annonça Ezval alors qu'il venait de finir son plat.
- Pourquoi ? Demanda-t-elle surprise.
- Tahira m'a dit hier soir qu'elle voulait s'exercer sur la durée.
- À se faire attacher ? Demanda-t-elle à moitié surprise.
- Oui. Et nous, c'est qu'on va être occupé à préparer les provisions, donc on ne pourra pas te surveiller. Au moins, attachée, on n'aura pas besoin. Par la même occasion, ça t'entraînera aussi et tu ne t'ennuieras pas puisque Tahira sera avec toi.
Riva détourna le regard, souffla légèrement.
- Puisque je n'ai pas le choix... finit-elle par dire.
- Ne t'inquiète pas. La position sera facile à tenir.

Tahira les rejoignit un peu plus tard. Ils se dirigèrent ensuite dans un des tunnels qui donnait sur plusieurs cavités. Certaines étaient légèrement aménagées, des fois avec une porte, des fois sans, et d'autres parfaitement vides.
Ils arrivèrent à un endroit où le tunnel se faisait plus large grâce à des cavités peu profondes de chaque côté. Une grande croix en bois en forme de "X" se trouvait d'un côté. De l'autre, deux installations, également en bois, chacune composée d'une planche posée au sol, d'une autre planche servant apparemment de dossier vers le fond de la cavité, et d'une autre planche située à l'opposée du dossier, pas très haute, percée de deux trous.
Riva regardait les installations avec curiosité. Les petites planches à trou ressemblaient à des carcans sans le trou pour faire passer la tête. La danseuse et le cordier remarquèrent l'interrogation de la jeune noble.
- Oui, c'est bien un carcan, affirma Tahira. Mais celui-ci est fait pour les pieds. Regarde.
La danseuse s'assit tranquillement sur la planche de bois au sol, recouverte d'un léger rembourrage. Les jambes légèrement repliées vers elle, Tahira ajusta sa robe sur ses jambes pour éviter qu'elle ne la gêne.
- Aller Riva. À toi, lui dit le cordier.
Riva s'exécuta, imitant Tahira, s'asseyant sur le rembourrage et ajustant également sa robe pour éviter qu'elle ne traine de trop.
Le cordier passa à côté d'elle.
- Ta main, lui demanda-t-il.
Il prit alors sa main droite qu'il dirigea dans le coin supérieur du dossier et l'attacha avec une petite sangle de cuir. Il passa ensuite de l'autre côté et tendit sa main de sorte que Riva lui confie son deuxième poignet qui fut lui aussi attaché, relié au dossier. La captive était alors attachée au dossier, les bras écartés.
Le cordier fit de même pour Tahira qui lui confia ses mains sans même que le cordier eut besoin de les lui demander. Riva observait la jeune danseuse dont elle pouvait distinguer le sourire serein visible grâce à ses yeux expressifs soulignés par son voile de visage.
Le cordier défit ensuite les cadenas qui se trouvaient de chaque côté des carcans de pieds. La partie haute se souleva, laissant dans chacun d'eux, deux demi-cercles dans lesquels il fit poser les jambes tendues des deux jeunes femmes.
Une fois les carcans de nouveau verrouillés, elles ne pouvaient plus bouger les jambes.
- Voila, commença le cordier. On viendra vous donner à manger vers midi et je viendrai ensuite vous délivrer en milieu d'après-midi.
Riva regarda Ezval d'un air surpris. En milieu d'après-midi ? Il n'était que neuf heures du matin à peine !
Elle n'eut pas le temps de discuter. Le cordier était déjà reparti.
Tahira avait remarqué la surprise de sa compagne de captivité.
- Ne t'inquiète pas, dit Tahira. Cette position est plutôt confortable tu sais. On n'a pas les fesses posées directement sur le bois, et puis tu n'as pas de contorsion à faire.
- Oui mais... C'est long... Répondit Riva.
Le silence s'installa un petit instant alors que Riva jaugeait le confort de son installation.
- Et j'imagine qu'on va devoir aller se faire attacher sur scène ce soir... Supposa-t-elle.
- Si tu en as envie, oui, répondit Tahira. Mais sinon, tu ne seras pas obligée. Tu sais, Méliora...
- Méliora ? La coupa Riva.
- Oui, la serveuse à la tresse noir que tu as vu hier. On l'appelle aussi Méli. Elle y était parce qu'elle le voulait. Elle s'amuse plutôt bien quand elle se fait encordée sur scène.
- Je vois... Dit Riva totalement dans ses pensées. D'ailleurs... Elle n'a clairement pas l'air d'une fille qui traine dans des affaires de rançons... Comme beaucoup d'autres d'ailleurs. Alors comment toutes ces personnes se sont retrouvées ici ?
- Excellente question ! Il paraît que Méli a été la première à rejoindre le groupe, mais je ne sais pas exactement comment. Et pour les autres, j'avoue que je ne leur ai jamais posé la question. Tu devras leur demander par toi-même quand tu les verras.
- Hmm... fit Riva, pensive.

Des bruits de pas se firent soudainement entendre dans le couloir. Les deux prisonnières virent alors passer une jeune femme au teint halé, les cheveux noirs coiffés en une tresse enroulée sur elle-même afin d'en faire un chignon. Elle portait un corset en cuir noir, découvrant sa gorge, les bras sublimés par ses deux brassards dorés. Sa longue jupe noire fendue jusqu'à mi-cuisse sur le côté découvrait sa jambe gauche à chaque fois que celle-ci passait devant l'autre.
Elle tenait dans la main une corde reliée au harnais qui habillait par lui seul le torse du jeune homme qui la suivait. Les cheveux châtains, un peu chevelu avec une légère moustache, il était à peine plus grand que la jeune femme. Les mains liées dans le dos, bâillonné avec une bande de lin blanc qui maintenait un tissu lui remplissant la bouche, il la suivait sans opposer de résistance alors que celle-ci se retournait parfois, souriante, les lèvres à peine dissimulées derrière son voile de visage noir légèrement transparent.
Riva se souvenait avoir vu ces deux personnes la veille, alors que le jeune homme portait un sac de jute rempli de cordes. Celui-ci était actuellement porté par la jeune femme qui guidait ses pas.

- La jeune femme c'est Hasina, dit Tahira, qui avait remarqué le regard observateur de Riva après que le couple soit passé. Elle vient du désert, comme moi.
Riva tourna la tête vers la danseuse, l'invitant du regard à continuer.
- Et le jeune homme c'est Larig, continua-t-elle. Lui vient plutôt de par chez toi.
- Et... il n'est pas censé attacher les filles d'habitude ?
- Il aime autant attacher que se faire attacher, affirma Tahira. Et quant à Hasina, elle préfère attacher.
Riva était légèrement étonnée de ce qu'elle entendait. Ces exemples allaient plutôt à l'encontre de ce qu'elle avait vu jusqu'à présent.
- Tu sais, ici, on fonctionne surtout selon les envies, continua Tahira. Venec par exemple, le compagnon de la duchesse, préfère que ce soit elle qui l'attache et non l'inverse. Tu pourras d'ailleurs les voir à l'œuvre ce soir.
- Je serais bien curieuse... dit doucement Riva après un instant.

Le temps passa alors que les deux prisonnières discutèrent de tout et de rien. Que ce soit sur les habitudes du groupe, de ligotage ou bien des différents mobiliers présents dans la planque servant à attacher de diverses façons.
C'est Silence qui vint leur donner à manger vers midi. Ils n'eurent pas une grande conversation ensemble mais Tahira savait comment lui parler pour le remercier de leur avoir donné à manger. La réaction de Silence, bien que discrète, en disait long sur ce qu'il pensait. Il n'avait pas l'habitude qu'on le remercie et encore moins pour ce genre de tâche. Alors on pouvait discerner sur lui un air à la fois étonné et heureux de la gratitude qu'elle lui portait.

Un peu plus tard, voila qu'un nouveau couple passa dans le couloir. Celui-ci, composé de Méli et Ultan, s'arrêta devant les prisonnières alors qu'Ultan attachait la belle Méli sur la croix qui formait un "X" disposée devant elles. La serveuse souriait, alors que ses membres étaient attachés en croix et que son geôlier lui bandait les yeux. Ce dernier repartit une fois son travail terminé, laissant la jeune femme dans le noir complet du bandeau qui lui couvrait à présent les yeux.
- À ce que je vois, commença Riva, c'est assez courant de faire la même chose que nous ici...
- Hmm... ? Qui m'a parlé... ? Demanda doucement Méli comme en cherchant de son regard aveuglé.
Apparemment, celle-ci n'avait pas prêté attention à son environnement tant elle eut été absorbée par la présence de son compagnon.
- C'est Rivanon, répondit Tahira. La nouvelle.
- Ah oui ! La fille en robe rouge que j'ai servi à table hier soir ! S'exclama Méli.
- C'est bien moi... dit timidement Riva.
- Vous êtes dans les carcans ? Demanda Méli d'une manière tout à fait naturelle.
- Et oui ! Répondit Tahira. Ça fait déjà un petit moment qu'on y est... rigola-t-elle aussi naturellement.
Méli gloussa légèrement. Elle comprenait apparemment le sort de Tahira et Riva.
- Dis moi Méli... commença timidement Riva.
- Oui ?
- J'aimerais savoir... comment tu es arrivée ici... Qu'est-ce qui t'a poussée à rejoindre le groupe ?
Méli perdit son sourire, se plongeant dans ses souvenirs. Un instant, puis son visage se marqua d'un rictus, ses mémoires lui rappelant certainement de bons souvenirs.
- Et bien... commença-t-elle, disons que j'étais curieuse. J'avais vécu une expérience plutôt étrange... et je voulais encore essayer...
- Une expérience étrange ? Demanda Riva.
- Oui... Quand ils m'ont capturée, Ezval, Ultan et Idris, le temps s'est fait un peu long avant que mes parents n'arrêtent de chercher un moyen alternatif à la rançon pour me libérer. Alors ils m'ont attachée de différentes manières... pour s'entraîner, qu'ils disaient.
- C'était... effrayant ?
- On peut le dire comme ça oui. Mais il y avait quelque chose en plus.
Méli regardait le sol, pour le peu qu'elle pouvait en voir avec son bandeau sur les yeux, la tête baissée. Elle reprit.
- Je ne sais pas. Je me rappelle que je ne leur faisais pas confiance. Mais au fur et à mesure, je n'avais plus peur d'eux. Je savais qu'ils ne me feraient pas de mal, qu'ils m'en auraient déjà fait s'ils l'avaient voulu. Les positions que je devais tenir ligotée pouvaient être pénibles, mais étonnamment, ils faisaient tous les trois très attention à moi. S'il y avait quelque chose qui n'allait pas, ils me détachaient rapidement. Du moins de ma position, ils ne pouvaient pas prendre le risque de me détacher entièrement. D'ailleurs, ils me gardaient tout le temps aveuglée par un bandeau pour éviter que je ne les reconnaisse.
Rivanon comprenait cette confiance que Méli décrivait. Elle en avait été témoin la veille.
- Et tu es restée avec eux ensuite ?
- Non, répondit Méli. Les garçons étaient insaisissables. Mes parents ont donc fini par me libérer en payant la rançon. J'avoue que j'étais tout de même contente que cette aventure se finisse.
- Alors comment es tu arrivée ici ? Comment les as-tu retrouvé ?
Rivanon était prise par le récit de Méli. Elle voulait connaître la suite.
- Un peu par hasard finalement, répondit-elle. Je ne les ai pas vu pendant des mois après ça. Ça m'a laissé le temps de réfléchir à ce qu'il s'était passé. J'y pensais souvent. J'étais curieuse et finalement... j'avais envie de recommencer. De me faire de nouveau attacher, de donner le contrôle et d'être restreinte, à la merci de mon ravisseur...
Rivanon rougissait au fil des paroles de Méli, soulagée que cette dernière ne puisse l'apercevoir. Cependant, ce détail ne put échapper à Tahira.
- Et un jour, reprit Méli, ils étaient revenus à la taverne. Je les ai reconnus alors qu'ils étaient cachés sous leur capuchon. Je n'avais pas oublié le timbre de leur voix. Ils prenaient un repas avec un homme que je n'avais jamais vu. Une fois leur repas terminé, je rattrapai l'un d'eux à la sortie.
Méli plongeait dans ses souvenirs, souriant de plus belle. Elle continua.
- C'était Ezval. Et c'est là que je lui ai demandé. Il se souvenait de moi, et il avait l'air embêté que je le reconnaisse. Mais je ne voulais pas les dénoncer, au contraire, je voulais qu'ils m'attachent à nouveau. Mais sans demander de rançon cette fois, bien sûr.
Riva était étonnée d'entendre le courage dont Méli avait fait preuve ce jour là. Elle ne s'imaginait pas elle-même demander ce genre de chose à quelqu'un, même au cordier.
- Et... j'imagine qu'il a accepté ? Demanda Riva.
Méli hocha la tête, le sourire aux lèvres.
- J'ai eu le droit à une... session privée dans la forêt, comme la dernière fois. Ils ont été encore plus attentionnés avec moi. Je pense que je les ai d'abord intrigués, mais j'ai compris que ma demande ne leur avait pas déplu.
- Ils avaient déjà cet endroit à ce moment là ? Demanda Riva.
- Oui, répondit Méli. Ils m'ont proposé de venir ici avec eux après ça, pour les aider à aménager l'endroit. Et j'ai accepté. J'ai dû convaincre mes parents taverniers que je voulais voir un peu le monde, mais ils ont fini par me laisser partir à condition que je revienne les voir de temps à autre.
- Et aujourd'hui... ils savent où tu es ?
- Non, mais je les ai revus il y a quelques mois et je leur ai assuré que j'allais bien et que j'avais même trouvé un travail. Et c'est bien le cas ici, dit-elle en ayant un sourire en coin.
Riva ne dit rien. Si Méli pouvait manger à sa fin et dormir sous un toit, peu importait qu'elle le fasse chez elle ou ailleurs. Elle était heureuse ici.
- Ah ! Il semble qu'il soit l'heure qu'on t'abandonne ici, Méli, dit soudain Tahira, interrompant les pensées de Riva.
- Et oui ! Dit enfin le cordier qui approchait des captives. Alors Tahira, contente ?
Il commença à détacher la danseuse.
- Oui ! Ça faisait un moment que je n'avais pas été attachée aussi longtemps. Et je n'ai même pas vu le temps passer !
Lorsqu'il eut fini, il détacha également la jeune noble à la robe bordeaux.
- Et toi, Riva ? Tu as trouvé le temps long ? Demanda-t-il.
Elle rougit légèrement alors que ses bras étaient détachés l'un après l'autre.
- Pas tant que ça finalement... dit-elle une fois que ses deux bras furent libres. On a plutôt bien discuté...
- Tu vois finalement que je ne t'avais pas menti... lui dit-il en libérant les jambes de la demoiselle du carcan qui les enfermait.
Ezval tendit sa main vers elle, paume vers le ciel, l'incitant à la prendre. Elle le regarda un instant, puis déposa délicatement sa main dans celle d'Ezval qui l'aida à se relever. La robe de Riva recouvra le bas de ses jambes en retombant dans un mouvement fluide. Ce détail n'avait pas échappé à l'œil d'Ezval, qui regardait maintenant la jeune fille dans les yeux. Riva lui renvoya son regard quelques instants.
- Aller, on y va, finit-il par dire en tournant la tête vers Méli, toujours attachée sur la croix. On te laisse à la merci de ton... ravisseur, Méli. À tout à l'heure !
Méli eut un sourire et rit légèrement.
- Oui, à tout à l'heure ! Dit-elle.

Le soir était venu. Tout comme la veille, la quasi totalité du groupe se trouvait dans la clairière de roche. Certains attablés, discutant, mangeant, buvant. Le chef était dans ce qui lui servait de cuisine, tandis que Méli, de nouveau libre, aidait à préparer et à servir les plats, envoyant de temps à autre à Ultan clin d'œil et sourire lorsqu'elle passait non loin de lui.
Rivanon mangeait une salade en compagnie d'Ezval et Tahira.
Au bout d'un moment, Riva prit la parole après une longue hésitation.
- Finalement, quelqu'un passe sur scène aussi ce soir... ?
- Oui, répondit Ezval en avalant sa bouchée. Éléonor et Venec devraient être les premiers. Par contre, personne n'a encore pris le deuxième créneau.
- Ça veut dire que personne ne passera après la duchesse ? Demanda-t-elle.
- Non, répondit Tahira. Ça veut dire que n'importe qui peut se décider à y aller à la dernière minute, finit-elle en prenant une bouchée.
- Ce sera Méli, alors, affirma la jeune noble. Elle n'attend que ça, j'en suis sûre.
- Pas nécessairement, dit Tahira. Hasina et Larig ont tout autant l'air de candidats potentiels ce soir.
Ezval opina du chef. Larig, détaché cette fois, était attablé avec Hasina qui s'entrainait apparemment à faire un nœud en apparence compliqué. Larig avait l'air de donner des conseils avisés à la jeune femme.
- Et toi, Tahira ? Dit Riva après un instant. Tu ne danses pas ce soir ?
- Ah non, pas ce soir, dit-elle. On part demain matin, donc ce soir, je me repose.

On vit la duchesse un instant après qui encordait son compagnon sur la scène. Celui-ci était torse nu et se faisait ligoter de manière à ce que ses muscles ressortent de par sa position. Les mains liées dans le dos, formant un angle droit au niveau de ses coudes, un avant-bras sur l'autre, contractant de facto ses biceps.
La scène continua alors que la duchesse, après lui avoir bandé les yeux avec une bande de tissu noir, le suspendait par le harnais de son torse, puis en reliant à ce même harnais ses pieds entravés qui revenaient dans son dos.
Le jeune homme semblait fort, mais il semblait totalement impuissant dans les cordes. La duchesse, bien qu'au tempérament plutôt autoritaire, faisait preuve d'une grande douceur dans sa manière d'encorder son partenaire. Elle avait un contrôle total de la situation. Venec montrait à la fois une grande confiance en elle et une tranquillité surprenante et apaisante.
La scène fut applaudie par le public. Lorsque la duchesse commença à détacher son partenaire, Riva, observant la scène sans la quitter des yeux, osa dire quelque chose qui la surprit elle-même :
- Ezval...
- Oui ?
- Je... j'aimerais... je peux aller sur scène avec toi... ?
Ezval la regarda d'un air plutôt surpris, ne disant rien pendant un instant. Il se reprit rapidement.
- Tu as confiance en moi ?
- Heu... oui... j'imagine que oui... dit-elle hésitante.
- Bien. Tu veux être attachée d'une façon particulière ?
- Hum... hésita-t-elle. Je n'y connais pas grand chose alors... fais comme tu veux.
- D'accord, dit-il en se levant. Alors viens, je vais prendre mes cordes.
Il la prit par la main cette fois-ci, de sorte à être à sa gauche, et l'entraîna dans l'un des tunnels. Ils revinrent un instant plus tard, un sac en tissu rempli de cordes porté sur l'épaule du cordier.
La duchesse avait terminé de détacher Venec et ils sortirent ensuite de la scène, allant prendre une place à l'une des petites tables disposées dans la clairière de roche.

La suite ne se fit pas attendre. Ezval monta sur le plancher, se retournant pour faire monter Rivanon, tenant sa robe de la main droite, la main gauche dans celle du cordier.
Elle se tourna face au public, nerveuse à la vue de celui-ci, pendant que le cordier posait le sac au sol qui dévoila son contenu en s'affaissant.
Il prit une première corde, passant derrière la noble à la robe bordeaux, entourant ses fines épaules de ses mains.
- Si tu as un problème, une douleur, ou quoique ce soit d'autre, dis le moi tout de suite, lui dit-il doucement à l'oreille.
Elle hocha la tète pour toute réponse. Elle tremblait légèrement.
- Détends toi, lui dit-il lentement, faisant glisser ses mains sur ses bras jusqu'à atteindre ses poignets.
Il n'eut pas à forcer. Les mains de la jeune femme accompagnèrent son mouvement qui les amenèrent dans son dos, où il commença à les lier.
La belle tremblait de plus belle. Le cordier prit ensuite une bande de tissu dans son sac.
- Détends toi, lui dit-il en passant le bandeau juste devant ses yeux. Ça va t'y aider.
Le bandeau fut apposé sur les yeux de Riva puis noué derrière sa tête. Elle ne voyait plus tous ces regards sur elle. Les tremblements diminuèrent.
Elle sentit ensuite une pression juste en dessous de sa poitrine. C'était une corde qui passait, que le cordier faisait revenir dans son dos, puis repasser juste au dessus de sa poitrine, enserrant les bras en passant.
La corde continua de l'enserrer peu à peu, repassant dans son dos, passant sur l'épaule gauche, retombant entre ses seins pour venir prendre la corde du dessous, puis la remontant en passant par l'épaule droite, le tout enserrant et séparant ses seins, tendant le tissu du haut de sa robe.
Le cordier présenta ensuite une deuxième bande de tissu au niveau des lèvres de Riva, juste assez près pour qu'elle sente la douceur de celui-ci. Elle tourna la tête, comme pour essayer de le regarder.
- Tu pourras suffisamment bien parler pour te faire comprendre, ne t'inquiète pas.
- D'accord...
- Tu as confiance en moi... ?
Elle hocha la tête en la remettant droite, lentement, puis ouvrit les lèvres. Le cordier lui passa le bâillon entre celles-ci, tirant les deux bouts derrière sa nuque et les noua.
Il continua ensuite en reliant son harnais au point d'accroche au-dessus, puis il encorda sa cheville gauche, la reliant par la suite à ce même point d'accroche en la faisant remonter dans son dos.
Il tira ensuite légèrement, doucement, sur le lien qui liait le harnais à l'anneau, afin que celui-ci exerce une légère pression sur le corps de la jeune fille.
- Hm ! Gémit-elle légèrement avant que la pression ne se relâche.
Le cordier inspecta Riva pour s'assurer que tout allait bien. Il lui murmura quelques mots à l'oreille et Riva hocha la tête.
Il tira de nouveau sur la corde, la faisant de nouveau gémir un petit coup et l'obligeant à se tenir sur la pointe du seul pied qu'elle avait encore à terre. Cette fois-ci, il ne relâcha pas la pression, et noua de nouveau la corde à l'anneau afin de la maintenir dans cette position.

Rivanon gardait l'équilibre bien qu'elle vacillait légèrement.
Elle entendit quelques instants plus tard le public applaudir. Elle les chercha en vain de son regard aveuglé, étonnée. Puis elle sentit une main sur son épaule qui la stabilisa.
- Bravo, dit le cordier près de son oreille. Tu m'as fait confiance et tu as réussi à te calmer.
Riva réalisa qu'elle ne tremblait plus. Tellement concentrée sur son équilibre qu'elle en avait oublié ses tremblements.
- Et tenir une tension aussi facilement, continua-t-il, même légère comme celle-ci alors que c'est ton premier ligotage suspendu est tout autant à saluer.
À ces mots, elle ne put s'empêcher de sourire, fière de sa performance. Elle réalisait que ce n'était pas seulement la performance technique du ligoteur que le public applaudissait. Mais également la personne ligotée, pour sa capacité de tenir certaines positions, certaines contraintes, pour sa souplesse, son endurance.
Elle se fit détacher. Lentement. Corde après corde, les tensions se relâchèrent et la liberté de mouvement se retrouvait progressivement.
Il ne restait que ses mains liées dans son dos lorsque le cordier lui enleva le bandeau. Elle le regarda dans les yeux, d'un air innocent. Il soutint son regard, la perçant du sien, alors que sa main vint chercher près de ses lèvres le bâillon qui s'y trouvait encore. De deux doigts, il prit le tissu et le tira légèrement vers lui, obligeant sa captive à ouvrir la bouche pour le sortir, puis le tira en-dessous du menton pour le laisser finalement pendre autour de son cou.
Ils échangèrent ce regard pendant un moment, sans un mot. Jusqu'à ce que le cordier rompe ce silence apparent sur la scène.
- Tes mains...
- Hmm ? Dit-elle comme si elle n'avait pas compris.
- Tes mains, répéta-t-il. Tourne toi, je vais les détacher.
- Ah ! Dit-elle, réalisant ce qu'il venait de dire, comme si elle venait de redescendre sur terre.
Elle s'exécuta et le cordier put enfin la détacher complètement, laissant tomber les cordes à côté.

Le temps qu'Ezval détache la jeune noble, le son des discussions dans la clairière avait largement diminué. Quelques membres du groupe étaient partis, tandis que certains étaient restés.
Le chef s'affairait dans sa cuisine de fortune, Hasina et Larig discutaient à leur table, tandis que Tahira semblait attendre le retour d'Ezval et de Riva.
Rivanon, enfin libre, croisa le regard de la danseuse et aperçut son sourire qui en disait long. La jeune noble ne put s'empêcher de rougir et de détourner le regard.
Dernière modification par Romrocky le 22 mars 2024, 16:15, modifié 1 fois.

Romrocky
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Re: La noble et le cordier : le trésor des ruines de Sakat

Message par Romrocky »

Chapitre 9 : La dernière ligne droite

- Tu trouves vraiment que ça me va ? Demanda Riva à son interlocutrice au teint hâlé dont les yeux étaient soulignés de son voile de visage noir transparent.
- Tu es très jolie comme ça, ma petite Riva.
- Je n'ai pas l'habitude de... m'exposer ainsi... Je ne suis pas une danseuse comme Tahira.
- C'est habituel dans la région, ne t'inquiète pas. Ce n'est pas réservé qu'aux danseuses d'avoir le ventre à l'air.
Le haut de la tenue de Riva couvrait sa poitrine d'un tissu blanc, s'arrêtant quelques centimètres en dessous de celle-ci, attaché dans son dos par un petit anneau. Devant, il remontait vers son cou en s'affinant, accroché à l'anneau qui parcourait la base de sa gorge, laissant ses épaules et ses bras nus.
La longue jupe blanche qu'elle portait, surmontée d'une ceinture en tissu de couleur jaune, était assez légère mais ne déboussolait pas la jeune noble.
Elle s'inspectait, admirant le beau bracelet doré autour de son bras droit, juste en dessous de son aisselle, formant un serpent prêt à se mordre la queue.
- C'est bizarre, mais pourquoi pas, après tout, dit finalement Riva. Merci Hasina, je te les rendrai dès que nous serons revenus.
- Je t'en pris, ma petite Riva. Je veillerai sur tes affaires le temps de votre expédition. N'oublie pas de mettre ta cape pour te protéger du soleil.
- Oui, bien sûr, je la prends avec moi.
- Prête ? Intervint Ezval qui venait d'arriver, restant sur le pas de la porte.
- Oui, c'est bon ! Lui répondit Riva en se dirigeant vers lui, sa cape sur son bras.
- Hasina, si tu peux lui tenir sa cape deux minutes s'il te plaît.
Il avait ses cordes en main. Riva le remarqua et comprit. Elle donna sa cape à Hasina, puis tourna le dos au cordier, tout en croisant ses mains derrière, qu'il lia rapidement et efficacement.
La jeune femme vêtue de noir passa devant la captive et lui posa la cape sur ses épaules et la boucla grâce au fermoir.
Le cordier sortit ensuite un bandeau qu'il passa sur les yeux de Riva qui se laissait faire, connaissant leurs règles sur les nouveaux venus.
Une fois Riva aveuglée, le cordier lui couvrit la tête du capuchon de la cape. Il la prit ensuite par les épaules, la faisant faire demi-tour en direction du couloir.
- Merci Hasina, commença Ezval. On revient vite. D'ici là, porte toi bien !
- Merci, dit-elle, bon courage à vous !

Ezval et Riva rejoignirent le groupe à l'extérieur. Silence tenait Tahira, ligotée et les yeux bandés, tandis que Balafre et la duchesse avaient préparé les chevaux. Les provisions en nourriture et en eau étaient portées équitablement par chaque cheval. Tout le monde portait cape et chaperon pour se protéger du soleil brulant.
Ezval fit monter Riva sur son cheval, devant lui, en amazone. Il la tenait dans un bras pour s'assurer qu'elle ne tombe pas, tout en tenant les rênes de son cheval de l'autre. Silence avait fait de même avec Tahira, tandis que Balafre et Éléonor avaient chacun leur monture.
- On va profiter de la fraîcheur matinale pour faire une partie du voyage au galop, annonça Ezval. On aura parcouru une bonne partie du chemin assez rapidement et on devrait arriver en vue des ruines en milieu d'après-midi.
- Plus tôt on arrive, mieux ce s'ra, confirma Balafre.
- Alors autant ne pas traîner. On y va ! S'exclama Ezval.
Ils talonnèrent leurs montures et partirent au galop dans le soleil naissant sur le paysage rocailleux du désert.

Plus tard, vers midi, ils firent une pause près d'un rocher dont l'étrange forme provoquait assez d'ombre pour que tout le monde, y compris les chevaux, puisse profiter de sa légère fraîcheur.
Rivanon et Tahira furent détachées et ils mangèrent un repas frugal, malgré leur appétit coupé par la chaleur, et donnèrent un peu du foin qu'ils avaient apportés aux chevaux.
Ils discutèrent un peu sur ce que Riva avait pu être témoin les jours précédents. Cette dernière finit par demander :
- Et comment vous en êtes arrivés à... faire tout ça ?
- Faut d'mander au cordier ça ! Dit Balafre.
- Ah oui, tu disais que tu avais commencé avec tes deux amis d'enfance, c'est ça ? Demanda-t-elle.
- C'est ça, répondit-il. J'ai pris quelques cordes de chez moi et on a commencé à se faire de l'argent en rançonnant des demoiselles à leurs riches parents.
Ezval eut un sourire en coin, le regard plongé dans ses pensées.
- Ça fait déjà trois ans... Le temps passe sacrément vite.
- Méli m'a raconté comment elle s'est jointe au groupe, dit Riva.
- Oui, on s'était un peu amusé à la ligoter de différentes façons à ce moment là. Mais on commençait à se faire remarquer, donc on est parti dans le désert pour faire profil bas quelques mois.
- Et vous avez retrouvé Méli en revenant dans l'auberge où elle travaillait, dit Riva.
- Oui, c'est bien ça ! Dit Ezval avec un certain étonnement. Elle t'en a dit des choses, la p'tite Méli !
- On a bien eu le temps de discuter, il faut avouer... lui répondit-elle un peu moqueuse.
Le jeune homme ne prêta pas attention à sa remarque et évita le sujet en continuant son histoire.
- Donc oui, on a retrouvé Méli et elle nous a suivi à la planque. On a recommencé l'expérience quelques fois et... c'est comme ça que le groupe actuel s'est formé petit à petit.

Silence se leva ensuite, alla près de son cheval, puis regarda le groupe.
- T'as raison, affirma Balafre en se levant. Vaut mieux pas trop trainer.
Le jeune homme fit un signe de tête et monta sur son cheval.
Tout le monde se leva ensuite, rangeant les quelques objets qui avaient été sortis pour la pause. Ils remontèrent à cheval, reprenant les mêmes places que précédemment. Cependant, Riva et Tahira, ayant les mains libres, montèrent cette fois derrière leur cavalier respectif.
Rivanon s'assit en amazone et passa ses bras autour du ventre du cordier, se blottissant avec délicatesse contre son dos.
Ils continuèrent ainsi leur chemin, au trot, afin de ménager leurs montures.

Riva continua la conversation interrompue un peu plus tôt.
- Et si des gens sont venus de leur propre chef dans le groupe, vous ne pensez pas que d'autres pourraient être intéressés par ce que vous faites ? Vous pourriez partager votre "art" si on peut l'appeler comme ça.
Elle marqua une pause, réfléchissant, les yeux perdus dans le bleu du ciel sans nuage.
- Je ne sais pas, une taverne comme votre planque, ou bien un genre de cirque itinérant pour pouvoir voyager comme vous le souhaitez... Dans tous les cas, ce serait un travail honnête...
- Ce n'est pas l'imagination qui te manque, dis moi, répondit la duchesse, qui portait de nouveau pantalon et cuissardes, encapuchonnée dans sa cape noire. Mais tes idées ne sont pas mauvaises, bien qu'il faille s'assurer d'avoir un public...
- Il suffirait que l'endroit se trouve près d'une bourgade ou dans une ville. Avec mon statut je pourrais même communiquer l'évènement aux habitants.
- Tu ferais ça... ? Demanda la duchesse.
- Et bien oui ! Vous faites quand même des choses impressionnantes avec vos cordes. Et... je trouve ça aussi très beau...
- C'est de bien beaux compliments que tu nous fais là, ma belle, dit la duchesse avec un grand sourire.
Rivanon ne pouvait le voir, mais le cordier, assis devant elle, le regard perdu vers l'horizon, esquissait un large sourire. Un détail qui n'échappa à aucun autre membre du groupe, alors qu'ils savaient rares ce genre d'expressions sur son visage.
Rivanon était repartie dans ses réflexions.
- Et puis l'argent ! Dit-elle enfin. On va justement chercher un trésor. Donc la question de l'investissement de départ est aussi réglée ! Vous pourriez vous en servir pour acheter une bâtisse avec une vraie scène et tout ce qu'il faut pour commencer...
Ezval, Silence, Balafre, Tahira et Éléonor se regardaient entre eux. De toute évidence, la jeune noble était déterminée à trouver toutes les solutions permettant la réalisation de son projet imaginaire.
Elle reprit :
- S'il y a des charges qui pèsent sur vous, je pourrais voir ce que je peux faire avec mes parents dans les limites de la baronnie. Sinon, il faudra simplement vous faire discret quelques temps comme vous savez très bien le faire...
Silence fit un signe de tête approbateur à Ezval.
- Peut-être que ce n'est pas si bête que ça... dit Ezval. Même s'il est possible que les gens se lassent des spectacles qui deviendraient rapidement redondants.
- Il suffirait de varier, répondit tranquillement Riva tout en réfléchissant. Varier les techniques ou les types de cordes par exemple. Varier les bandeaux, ou bien encore les bâillons !
- C'est qu'elle en a des idées la p'tite ! Ha ha ! S'exclama Balafre en riant.
- Je les trouve plutôt intéressantes, moi, dit Tahira.
- Moi aussi, dit Éléonor. Son idée de varier les contraintes me plaît. Il serait intéressant de pouvoir acheter plus de matériel pour la planque avec l'argent du trésor. Et puis, sans parler du confort !
- Et puis les spectacles de cordes pourraient ne pas être les seules prestations proposées, reprit ensuite Tahira. Je pourrais aussi danser, on pourrait jouer de la musique, fit-elle en envoyant un clin d'œil à Balafre.
- On verra, dit Ezval, pensif. On n'en est pas encore là. Trouvons déjà ce trésor et on verra ensuite ce qu'on en fera.

Le silence se fit quelques instants après ces paroles.
Rivanon, qui s'ennuyait quelque peu, ranima la conversation en changeant de sujet.
- Éléonor, tu disais qu'à la base on t'avait capturée ? Mais tu n'as pas rejoint le groupe de la même façon que Méli ?
La duchesse eut un léger rire en repensant à ses souvenirs.
- Oui, c'est vrai, dit-elle.
- Tu ne veux pas nous raconter ? Demanda Riva.
- C'est une longue histoire...
- Je confirme, fit Ezval.
- On a justement du temps devant nous, fit remarquer la jeune fille derrière Ezval. (Elle tourna de nouveau la tête vers la duchesse.) Raconte-nous s'il te plaît, insista-t-elle en lui faisant les yeux doux.
- D'accord, soupira-t-elle avec un léger sourire, amusée par l'insistance et la curiosité de la demoiselle. Alors, c'était il y a un peu plus d'un an et demi, nous étions...

***

Près du feu, les quatre ombres assises observaient d'un air méfiant une étrange silhouette qui s'approchait, dont les cris poussés faisaient penser à une petite bête enragée.
- Waarggh ! Mmh ! firent des cris étouffés.
- Oh ! Voila une belle prise, mon vieux !
Idris avait discerné avant les autres qu'il s'agissait d'un homme qui approchait. Plus précisément, il s'agissait de son ami Ezval, transportant une jeune femme ligotée par-dessus son épaule et qui se débattait tel un chat voulant se sauver.
Le jeune blond à la queue de cheval se leva afin d'aider son ami. Ils réussirent à asseoir la jeune femme sur l'un des rochers utilisés comme siège de fortune autour du feu.
Celle-ci, maintenant près de la lumière des flammes, releva la tête, jetant sa chevelure dorée en arrière, découvrant son visage, ses yeux couverts par un épais bandeau de lin blanc et un tissu identique noué dans sa nuque, un nœud obstruant sa bouche.
Ses mains étaient liées dans le dos, le torse et les bras pris dans un solide harnais de cordes, et ses jambes couvertes d'un pantalon ajusté surmonté par des cuissardes étaient également liées.
Elle cherchait en vain de son regard aveuglé ses ravisseurs. Sans doute avait-elle tout de même un point de repère grâce à la lumière du feu qu'elle pouvait discerner à travers son bandeau.
- Qui c'est ? Demanda Ultan en observant la prisonnière.
- La fille de la duchesse, répondit le cordier.
Les compères restèrent bouche bée un instant.
- Enfin, la cadette j'imagine, continua-t-il. Je l'ai suivie jusque dans les bois.
- Qu'allait-elle faire dans les bois ? Demanda Venec.
Il haussa les épaules pour toute réponse.
- C'est quand même pas banal, une fille comme elle, remarqua Venec. Malgré son soi-disant statut, elle n'est pas en robe et elle s'aventure seule dans les bois...
- Regarde bien ses vêtements, fit remarquer Larig alors qu'il avait les yeux rivés sur elle. Sa tunique est clairement de haute couture au vu des broderies sur son décolleté. Et le cuir qu'elle porte, son serre-taille, sa ceinture, ses cuissardes. Ça doit coûté cher tout ça.
- Finement observé, dit Ultan en la détaillant également du regard. On devrait pouvoir en tirer une belle somme...
- Mmhmh ? Fit la jeune femme à travers son bâillon.
Ils n'allaient pas la vendre au plus offrant tout de même ?
- Aller, Venec, coupa Ezval. C'est ta troisième fois il me semble, hein ? Tu vas t'occuper d'elle et la surveiller. Emmène-la dans la tente et ne faites pas de bêtises.
- Mmhmm ? S'exclama-t-elle une nouvelle fois en entendant la conversation.
- D'accord, mais tu ne me facilites pas la tâche... Elle n'a pas l'air de vouloir coopérer si facilement, remarqua Venec en s'approchant d'elle.
- On sera là en cas de problème, ne t'inquiète pas, lui dit Idris.
- Et on devrait avoir d'ici demain la rançon de ses parents pour la délivrer, conclut Ezval. On ne devrait pas avoir à s'occuper d'elle longtemps.
- Mmh... soupira la jeune femme.
Ce n'était pas l'horrible destin qu'elle imaginait qui l'attendait, bien qu'il ne soit pas non plus des plus radieux.
La jeune recrue souleva la prisonnière, une main dans son dos, l'autre sous ses cuisses. Le jeune homme arrivait sans peine à la porter dans ses bras alors qu'elle continuait de se débattre.
Ils s'éloignèrent tous deux sous le regard des quatre compagnons.

La lueur du feu avait presqu'atteint ses limites, ne laissant qu'une faible luminosité, juste suffisante pour voir où mettre les pieds.
Dans la tente où Venec déposa sa captive assise les jambes vers l'avant, il alluma une petite lanterne avant de retirer le bandeau de la demoiselle en le lui tirant au-dessus de la tête, emportant au passage une mèche de cheveu qui se retrouva devant ses yeux.
Elle le regardait d'un air empli de reproche, alors que celui-ci s'installait accroupi devant elle.
La tente était plutôt spacieuse, permettant bien d'accueillir une troisième personne s'il le fallait.
Il l'observait, les yeux dans les yeux, comme hypnotisé.
- Tu es vraiment jolie, tu sais... lui dit-il.
Elle détourna un instant le regard, timide comme si le compliment l'avait touchée.
- Mmhmh... Mmhhmh... gémit-elle comme si elle essayait d'articuler quelque chose.
Curieux, le jeune homme à la barbiche ne put s'empêcher de tirer son bâillon vers le bas pour entendre ce qu'elle avait à dire.
Une fois celui-ci hors de sa bouche, elle souffla, faisant voltiger sa mèche qui la gênait, puis d'un coup de tête sur le côté, l'écarta définitivement de son champ de vision.
- Tu verras, dit-elle. Un jour, c'est moi qui te ligoterai. Et là je prendrai un malin plaisir à te voir t'abandonner à mes sévices.
- Et pourquoi je m'y abandonnerai... ? Rétorqua-t-il.
Elle le regarda droit dans les yeux, d'un air tout à fait sérieux.
- Parce que tu y prendras du plaisir... lui dit-elle en esquissant un sourire.

Troublé par sa réponse, Venec resta interdit un instant, ne sachant quoi dire.
- Alors...? Dit-elle doucement. Tu veux essayer ? Tu me détaches ?
Encore un instant sans mot dire, Venec finit par lui répondre.
- Et comment je peux te faire confiance ? Lui demanda-t-il. Qu'est-ce qui me dit que tu ne tenteras pas de t'enfuir ?
- Vous attachez souvent des filles comme ça, en empochant des rançons ? Lui demanda-t-elle avec un parfait sérieux.
- Heu... Quand on a besoin d'argent, oui. Mais tu ne réponds pas à ma question...
- Bon. Alors si tu me libères, je vous laisse prendre la moitié de l'argent de la rançon. Le reste est pour moi. Et je veux vous accompagner ensuite...
Le jeune homme ne comprenait pas.
- Mais... pourquoi... ?
- Oh je t'en prie... commença-t-elle comme si la réponse était évidente. J'ai envie de voyager un peu, moi ! Je n'ai pas l'intention de rester dans le château de mes parents toute ma vie ! Et ma grande sœur est bien plus indiquée que moi pour accomplir son futur devoir de duchesse... Ce n'est pas comme si mes parents se retrouvaient sans héritière...
Le jeune homme restait méfiant. Après tout, elle était leur otage et n'importe quel prétexte serait bon pour s'échapper.
Voyant son regard méfiant, elle comprit qu'il lui faudrait être plus convaincante.
- Bien... commença-t-elle. Je jure sur mon honneur, en tant que la duchesse Éléonor de Ritanie, que je n'en profiterai pas pour fuir et que je vous aiderai à obtenir la rançon. Mais seulement si tu me promets de me laisser vous accompagner et de me donner ma part de la somme gagnée.
Venec réfléchit, alors que ladite duchesse attendait patiemment sa réponse.
- Dix pour cent, et on prend les quatre-vingt-dix pour cent restant, qu'on se partage en cinq.
- Vingt-cinq pour cent !
- Dix pour cent. On pourrait très bien prendre la totalité sans ton aide...
La prisonnière réfléchit un instant. Si elle les accompagnait par la suite, se disait-elle, elle pourrait peut-être bien gratter quelques pièces supplémentaires.
- D'accord, finit-elle par dire.
- Parfait !
Venec tendit sa main par réflexe, coutumier de conclure une affaire par une poignée de main. Il réalisa, après un instant, en voyant le regard interrogateur de la jeune femme, qu'elle ne pourrait pas tendre la sienne. Il se sentit bête et baissa sa main, ne sachant où la mettre.
La captive brisa le silence qui s'était installé.
- Tu me détaches... ?
- Oh ! Oui, pardon...

Les cordes se relâchèrent, libérant tour à tour les jambes, les bras et les mains de la jeune femme.
Une fois libre, elle s'empressa de défaire son bâillon, resté suspendu à son cou, encore humide, pour le jeter non loin au sol d'un geste, quelque peu dégoutée.
Elle prit un moment pour se recoiffer, jetant ses longs cheveux blond ondulés derrière sa tête, puis plaçant derrière son oreille droite les mèches qui avaient tendance à la gêner en venant devant ses yeux.
Elle prit d'abord l'une des cordes qui l'entravaient plus tôt, joignant les deux brins et la démêlant, ayant ainsi les brins de la corde dans une main, la boucle dans l'autre. Elle le regarda dans les yeux.
- Tourne toi, ordonna-t-elle d'une voix de velours.
Il lui tourna doucement le dos.
- Tes mains... lui dit-elle en glissant lentement les siennes de ses épaules vers ses poignets.
Le jeune bandit mit ses mains dans son dos, les croisant, suivant le doux mouvement indiqué par la noble demoiselle aux cheveux dorés.
Les cordes s'enroulèrent autour de ses poignets, les liant progressivement. Le geôlier devenait prisonnier, et la prisonnière devenait geôlière. Venec ressentait quelque chose d'étrange. Une sensation à la fois d'angoisse et d'excitation, une sensation grisante.
Le torse du nouveau prisonnier fut à son tour pris dans les cordes une fois qu'elle eut terminé de lier solidement ses poignets. Les bras étaient ainsi restreints au gré des caresses du chanvre et des douces mains de la jeune femme.
La suite arriva avec le même bandeau qui avait aveuglé la jeune femme quelques instants plus tôt.
- Euh... Tu es sûre... ? Lui demanda-t-il en voyant passer l'étoffe devant ses yeux.
- Fais moi confiance, mon beau... Le rassura-t-elle.
Le bandeau le plongea dans le noir.
- Tu as d'autres tissus dans cette tente ? Lui demanda-t-elle en regardant dans son alentour restreint.
- Dans le sac, oui, au fond derrière toi, dit-il. Pourquoi ?
Il entendit fouiller dans le sac rempli de cordes.
- Parfait... dit-elle.
Venec avait deviné ce qu'elle planifiait en posant cette question.
- Tu veux me bâillonner... ? Demanda-t-il, un air plutôt inquiet dans sa voix.
- Oui. Pourquoi ? Tu n'aimerais pas ?
Il hésita quelques instants.
- Si..., finit-il par dire.
- Fais moi confiance, répéta-t-elle.
Le captif ouvrit lentement la bouche, se préparant, et le tissu tendu devant lui s'enfourna lentement mais fermement à l'intérieur.
- Mmh ! Gémit-il d'un coup.
La douceur de la demoiselle fut contrastée à sa façon de serrer fermement le bâillon. Venec ne comprenait pas bien ses sensations. Cette fermeté surprenante lui avait procuré un effet quelque peu plaisant.
- Ça va... ? Lui demanda-t-elle de nouveau avec tendresse.
Il hocha la tête, affichant un léger sourire.
- Couche-toi, lui dit-elle de sa douce voix.
Il mit ses jambes devant lui et elle l'aida à se coucher sur le côté. Elle le fit ensuite tourner afin qu'il se retrouve sur le ventre.
Venec devinait la position dans laquelle il allait être attaché.
Ce fut au tour des chevilles de passer sous la restriction des cordes, reliées ensuite au harnais, lui repliant les jambes.

Il était là, à sa merci, incapable de se défendre. Elle le caressa à travers sa fine tunique, parcourant son dos, remontant jusqu'à sa nuque.
Des frissons.
Un moment passa. Des frissons, encore. L'angoisse avait disparu, la confiance avait pris sa place. La sensation d'être à sa merci, attaché, sans la possibilité d'utiliser la force pour se libérer. Cette sensation d'être vulnérable, de s'offrir à une femme.
Des mots doux. De la tendresse. Mais parfois une fermeté dans les gestes, une volonté de domination.

- Venec, au fait... commença une voix masculine à l'extérieur de la tente.
L'entrée s'ouvrit.
- Tu penseras à... Oh...
Il s'arrêta net, voyant son ami ligoté devant ses yeux par celle qui fut un moment plus tôt leur captive.
- Mmh ? Fit Venec, inquiet, ne pouvant voir le nouveau venu mais devinant aisément de qui il s'agissait.
- On ne s'embête pas on dirait... Reprit Ezval. Et toi, tu comptais t'échapper comme ça ? Demanda-t-il d'un ton qui laissait entendre une certaine colère envers la jeune femme, mais également envers son ami qui avait échoué dans la tâche qu'il lui avait confié.
- On a passé un marché... Dit la jeune femme. Je ne comptais pas m'enfuir...
Le cordier eut un regard d'incompréhension. Pourtant, une chose paraissait évidente : si elle mentait, elle aurait probablement déjà mis les voiles, sitôt avoir attaché Venec, ou bien sitôt découverte.
- Alors... que comptais-tu faire ? Demanda le cordier, sceptique.
- Vous aider à obtenir la rançon. Et rejoindre votre groupe. Je veux sortir de mon château...
- Ah oui ? Fit-il, incrédule.
- Je l'ai juré sur mon honneur... affirma-t-elle.
Cette réponse ne manqua pas d'étonner le cordier, sachant que les nobles n'ont pas pour habitude de plaisanter lorsqu'il s'agit de leur honneur.
- Et lui... ? Pourquoi l'avoir attaché ? Demanda-t-il en l'observant attentivement.
- Je voulais lui montrer qu'il pouvait prendre du plaisir dans les cordes. Et je voulais aussi... prendre ma revanche en quelque sorte...
Le cordier réfléchit un instant.
Bien que solidement attaché, bâillonné et les yeux bandés, Venec écoutait attentivement la conversation. Cela ne semblait pas le gêner de rester ligoté dans cette position, bien au contraire.
- Tu as l'air de bien te débrouiller avec des cordes... dit le cordier en observant les contraintes qui entravaient son ami. Où as-tu appris ça ?
- Chez moi, répondit-elle. Cela m'a toujours fait quelque chose de voir des gens entravés... (Elle baissa son regard, préférant le perdre dans le tas de cordes à côté du prisonnier, rougissant quelque peu de ses aveux). Que ce soit au pilori, trimballés dans des carcans, enchaînés, ou bien... dans les cas les plus rares mais les plus plaisant... ligotés avec des cordes. Ils n'étaient pas destinés à une sentence atroce. Ce n'était bien souvent que pour une punition, pour montrer l'exemple lors d'une faute commise.
Elle fit une pause, perdue dans ses pensées. Ezval l'écoutait attentivement. Elle reprit.
- Il y avait ce soldat... (Elle sourit en repensant à lui) sous le commandement du sergent qui s'occupait d'exécuter la justice. J'ai souvent discuté avec lui et il m'a montré son... savoir-faire.
- Et... vous ne vous êtes jamais mis ensemble... ? Demanda Ezval.
- On y a pensé. Mais il a dû partir pour sa carrière de soldat. Je ne l'ai plus revu ensuite.
Ezval ne dit rien. Il sentait qu'elle allait continuer son récit.
- Il y a bien eu quelques hommes avec lesquels j'ai eu un début de relation. Le premier a fui quand je lui ai fait part de mon envie de le ligoter. Le second préférait me ligoter plutôt que l'inverse. Aucun de nous deux ne voulait être attaché par l'autre...
- Je vois, dit Ezval une fois qu'il eut compris que son récit était fini. Tu nous seras peut-être utile avec ton... aptitude à manier les cordes... J'en parlerai aux autres demain matin. En attendant, je ne peux me permettre de te laisser libre comme ça pour la nuit.
Elle regarda le cordier, l'interrogeant du regard.
- Si tu souhaites vraiment nous aider à obtenir la rançon demain, continua-t-il, laisse-toi faire.
Elle soutint le regard du cordier.
- Bien, dit-elle. Et... mon geôlier... ?
Ezval soupira lentement.
- Détachons-le. Il te gardera quand même cette nuit. Sans faire de bêtise cette fois-ci.

Ils le détachèrent, puis, sous les directives du cordier, Venec l'aida à attacher sa geôlière. Assise, les jambes devant elle, elle se laissa faire, contrastant avec son attitude lorsqu'Ezval l'avait attachée pour la première fois.
Une fois parfaitement ligotée, Venec prit le bandeau qui l'avait aveuglé plus tôt, et la duchesse se prépara à le recevoir.
- Ne t'embête pas avec ça, lui dit Ezval. Ça ne sert plus à grand chose. On le lui remettra que lorsqu'on la rendra à sa famille... De même, pas de bâillon non plus.
Finalement, Ezval sortit de la tente une fois le travail terminé, partant se coucher pour la nuit.
Une fois seuls, Éléonor, la duchesse, essaya de se rapprocher de Venec en levant tour à tour ses fesses et ses jambes. Elle se blottit contre lui, mettant sa tête près de son épaule tout en fermant les yeux, souriante.
Le jeune bandit fut surpris, mais il osa doucement l'entourer de son bras, posant sa main sur sa taille.
- Je t'avais bien dit que tu prendrais du plaisir à être dans mes cordes... finit-elle par dire au bout d'un moment de silence.
Venec rit légèrement.
- C'est vrai, répondit-il. Dis moi, ce n'est pas juste pour sortir de ton château que tu souhaites nous rejoindre. Tu aimerais pouvoir attacher des hommes plus souvent, c'est bien ça... ?
Elle rit légèrement également.
- Bien vu, mon beau... Dit-elle.
- Et bien... tu sais quoi ? Commença-t-il.
- Pas encore... dit-elle d'une voix sensuelle, tout en levant la tête pour le regarder dans les yeux.
Il soutint son regard.
- Je préfère être ton prisonnier plutôt que ton geôlier...
La duchesse esquissa un large sourire avant de se blottir de nouveau contre son épaule.

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Mad Hatter
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Re: La noble et le cordier : le trésor des ruines de Sakat

Message par Mad Hatter »

Romrocky a écrit : 08 mars 2024, 03:42 Le cordier présenta ensuite une
- Tu pourras suffisamment bien parler pour te faire comprendre, ne t'inquiète pas.
- D'accord...
- Tu as confiance en moi... ?
Elle hocha la tête en la remettant droite, lentement, puis ouvrit les lèvres. Le cordier lui passa le bâillon entre celles-ci, tirant les deux bouts dans sa nuque et les noua.
:lol:
Que l'on soit d'un univers ou d'un autre, cela doit faire très mal ! La Menace Fantôme
De l'Ordre nait le Chaos.
Ou est-ce l'inverse ?
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Romrocky
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Re: La noble et le cordier : le trésor des ruines de Sakat

Message par Romrocky »

Ptdr, ta remarque m'a bien fait rire, surtout avec cette ref ! XD

Plus sérieusement, je pensais que l'expression était courante. "Passer une main dans la nuque" par exemple. Enfin, ça ne m'a pas spécialement choqué x)

Mais je vais corriger ça, merci Mad :)

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